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L’idée de la monarchie unitaire naquit ainsi d’elle-même ; elle sortit des faits, non du cerveau d’un utopiste ; elle devint la seule solution possible, non le rêve confus de ceux qui cherchaient l’idéal. Une association d’hommes modérés se forma pour répandre cette idée par des brochures et surtout par des feuilles volantes qui, trompant toutes les surveillances, allèrent surprendre chez eux, à Milan, à Florence, jusqu’à Naples, les patriotes italiens. Naples cependant hésita longtemps à se rendre ; tiraillée en tous sens par la propagande muratiste et par la propagande mazzinienne, elle attendait le mot d’ordre des prisonniers, et Poerio ne s’était pas encore prononcé. Ce fut alors que Ferdinand II commit une suprême imprudence. Aux derniers jours de sa vie, dans un moment de faiblesse, de remords peut-être, ou sous la pression de la diplomatie, il entr’ouvrit la porte des bagnes et en laissa sortir les hommes les plus influens. On sait l’histoire de leur délivrance : embarqués sur un vapeur napolitain, ils devaient être transbordés à Gibraltar sur un brigantin étranger qui les aurait conduits en Amérique. Malheureusement pour la dynastie de Ferdinand le brigantin fit fausse route et débarqua en Irlande sa cargaison de déportés. Carlo Poerio, Silvio Spaventa, Luigi Settembrini et beaucoup d’autres se rendirent à Londres, où ils furent reçus avec des ovations, puis de Londres à Turin, où ils devinrent les plus acharnés défenseurs de l’unité italienne. Ferdinand mourut, François II monta sur le trône, et, désespérant, comme il le dit alors, « d’atteindre aux sublimes vertus de son auguste père, » il tâcha du moins de les imiter. Il envoya à Turin un nouveau convoi de proscrits, quelques gentilshommes, le magistrat Vacca (aujourd’hui garde des sceaux du royaume d’Italie), et un jeune homme qui comptait déjà parmi les meilleures têtes de Naples, M. Enrico Pessina : c’étaient autant de renforts que le jeune prince offrait généreusement à l’armée italienne. Il les rappela au dernier moment, quand il octroya sa constitution tardive : c’était ouvrir la porte à ses plus mortels ennemis. La révolution était déjà faite. L’Italie unitaire, préparée de longue main dans les consciences, n’eut qu’à se présenter en tunique rouge aux portes de Naples pour être acclamée d’un seul cri, non-seulement par les enthousiastes de la rue, mais par tous ceux qui avaient lu Dante et Machiavel.

Après le plébiscite et la réunion des Deux-Siciles au royaume italien, la politique appela tous les esprits à concourir à l’œuvre nationale. Les esprits répondirent sans hésitation à cet appel ; depuis longtemps déjà ils consacraient toutes leurs facultés au service de cette grande cause. À Naples comme dans l’Italie entière, avant comme après 1848, toute la littérature avait été militante. On connaît le mot de Guerrazzi : « J’ai écrit ce roman, parce que je ne pouvais