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pas tous, comme autrefois, dans les villes du littoral ; mais parmi ces nouveaux venus, il en est des milliers qui gagnent les provinces de l’intérieur, Santa-Fé, San-Luis, Cordova, Tucuman, et l’on en trouve maintenant jusque sur les frontières de la Bolivie. D’ailleurs ce n’est plus seulement par le Rio de la PJata, c’est aussi par les cols des Andes que les provinces argentines reçoivent un contingent annuel de nouveaux citoyens. Les vallées du Chili étant relativement beaucoup plus peuplées que celles du versant opposé, un mouvement d’émigration de plus en plus considérable se porte, dans la direction de l’est, à travers la Cordillère : il est même probable que dans un avenir prochain, lorsque les immenses richesses minières de Famatina, de San-Juan, d’Uspallata, seront mieux connues et d’un accès plus facile, l’émigration chilienne prendra les proportions d’un véritable exode, semblable à celui qui entraîna jadis des populations entières vers les placers de la Californie.

Les hommes d’état de la Confédération Argentine et des républiques limitrophes, comprenant parfaitement que tous les colons laborieux sont de véritables bienfaiteurs publics, font de grands efforts pour assurer à leur pays les avantages d’une immigration régulière et considérable. D’importantes colonies ont été fondées, et dans le nombre plusieurs ont admirablement réussi, entre autres celle de San-José, dont les terres ont été concédées par le général Urquiza et que dirige un exilé français, M. Alexis Peyret. Avant que la guerre civile éclatât dans la Bande-Orientale, diverses colonies d’Allemands, de Suisses, de Vaudois, avaient été récemment établies sur divers points du pays et prospéraient à souhait. Un consul allemand de l’Uruguay, M. Sturz, que ses compatriotes vénèrent à juste titre en souvenir de sa lutte de vingt années contre les marchands brésiliens de chair humaine, s’était mis à la tête d’une grande entreprise de colonisation, et plusieurs groupes d’agriculteurs se préparaient à partir pour Montevideo, lorsque les incursions de Florès ont arrêté pour un temps le mouvement d’émigration. Ce n’est là qu’un simple retard, et d’ailleurs la Bande-Orientale ne peut manquer, aussitôt après la guerre, de profiter d’un certain reflux de ce grand courant qui porte chaque année des milliers d’Européens dans la confédération voisine. Peu à peu les habitans des deux pays gagneront en amour du travail et en industrie par le croisement avec les nouveaux venus : ceux-ci, apportant dans chaque ville des idées analogues et des intérêts identiques, aideront bien plus que les voies de communication faciles à relier les uns aux autres les groupes épars, à calmer les vieilles haines de famille, à corriger les mœurs sauvages des indigènes. Par leur seule présence, les étrangers contribueront puissamment à consolider l’unité nationale.