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les moyens ordinaires, 921 mètres de tunnel, et 724 de l’autre côté.

La véritable épreuve du système nouveau commençait. Ce fut un moment critique et solennel à la fois que celui de la première entrée en galerie à Bardonnèche. On avait laissé subsister dans la section en voie d’agrandissement un renflement de rocher à perforer avant d’arriver au front d’attaque. C’est là que le nouvel engin devait faire ses premières armes. L’affût ne porta d’abord qu’une seule perforatrice, puis deux, qui frappaient la roche d’une manière satisfaisante; mais le 26 janvier 1861, l’affût ayant été armé de quatre machines, la confusion se mit dans la manœuvre. On ne recula pas cependant, l’ordre se rétablit peu à peu, les ouvriers devinrent bientôt habiles à manier le nouvel instrument, et le 12 février les 30 mètres de rocher laissés au passage étaient emportés. La machine touchait enfin le fond de la galerie. Ici, dans cet espace de 3m 40 de largeur et de 2m 40 de hauteur, la manœuvre, déjà embarrassée auparavant, devint impossible. Pendant quelques jours, le travail fut suspendu pour réduire les proportions de l’affût et apporter à la machine d’autres améliorations que l’expérience avait suggérées. La perforation recommença bientôt, et se poursuivait avec une régularité croissante au mois de mai, lorsqu’un accident l’arrêta de nouveau. Le torrent qui alimente les compresseurs, grossi par la fonte des neiges, roula une eau trouble, chargée de débris végétaux qui auraient détruit les appareils, si on n’avait pas arrêté le travail de la compression. On prévint pour toujours le retour d’un semblable accident par la construction d’un grand bassin d’épuration où l’eau abandonne ses impuretés, et dès lors ni la compression ni la perforation n’ont plus été interrompues. En juillet, sept perforatrices travaillaient déjà de front, toutes les opérations d’une reprise s’accomplissaient en un jour, et au mois d’août on entama une seconde reprise, afin d’en faire tenir deux en vingt-quatre heures.

Les longues épreuves de Bardonnèche ont profité à l’attaque du versant nord. Ouvriers et maîtres avaient fait leur apprentissage de la perforation mécanique, et dès les premiers jours de l’entrée de la machine en galerie elle y a fonctionné régulièrement, sans interruption notable, abordant d’abord une fois en vingt-quatre heures le front d’attaque, et bientôt deux fois. On se met en mesure aujourd’hui de la faire mordre à la roche trois fois et d’accomplir trois reprises. Chaque fois qu’elle approche de la paroi du fond de la galerie, elle en emporte 75 centimètres d’épaisseur sur 7 mètres carrés de superficie. La rapidité de la perforation a toujours été en croissant : de 170 mètres à Bardonnèche en 1861, elle est arrivée à 380 en 1862, à 426 en 1863, et à 625 en 1864. A Modane, où elle