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sarde, qui avait trouvé en effet une perte considérable; mais elle s’est évanouie dans la pratique. La perte n’est pas encore appréciable aujourd’hui à une distance de plus de 3 kilomètres. Quand on sera au milieu du tunnel, à 7 kilomètres du lieu de la compression, la colonne mercurielle de l’instrument dont on se sert pour mesurer la pression n’indiquera qu’une diminution de tension de 3 dixièmes d’atmosphère, perte qu’il sera facile de regagner avec le système à pompe, qui porte la pression au degré que l’on désire.

Les inventeurs se sont surpassés dans la construction et l’agencement des parties de cet appendice si important qu’ils nomment la conduite d’air : elle est composée de tuyaux en fer fondu, de 2 mètres de longueur chacun, de 20 centimètres de diamètre intérieur et de 1 centimètre d’épaisseur à la paroi. Assemblés bout à bout, ces tuyaux se présentent l’un à l’autre deux lèvres circulaires entre lesquelles est engagée une cordelette en caoutchouc qu’on saisit fortement avec des boulons. Les bouches ainsi rapprochées et collées ne forment qu’un corps, mais un corps qui a de singulières délicatesses, qui se meut, se contracte et se dilate sous l’action excessivement variable de la température des Alpes. Ces mouvemens invincibles de retrait et de dilatation auraient disloqué et brisé la conduite, si on ne les avait pas prévus et mesurés d’avance dans l’agencement des parties. De distance en distance, les tuyaux, accolés par un système de joint appelé joint de dilatation, s’emboîtent l’un dans l’autre à frottement étanche; ils se recouvrent ainsi par le mouvement de dilatation et se découvrent par le retrait, comme les anneaux concentriques de la trompe d’un éléphant. Cependant il fallait prévenir les grands mouvemens qui auraient porté sur toute la conduite. A cet effet, on l’a fortement assujettie par des ancres qui plongent dans le massif des piliers de support et qui la saisissent comme une main puissante à chaque joint de dilatation. Dans le tunnel, où elle n’a pas à craindre les grands écarts de la température, elle est simplement portée par des bras de fer qui se détachent du mur. A 200 mètres environ du front d’attaque, la conduite s’enfonce dans un canal pratiqué sous le sol du tunnel, et y abrite sa carapace contre les éclats de mine et les blocs tombant de la voûte, puis elle vient aboutir à une chambre creusée sur le côté du tunnel. La grande artère d’air s’y ramifie en petites veines flexibles. Au tube de fer sont adaptés des boyaux en caoutchouc enveloppés d’une forte chemise de toile pour résister à la pression de l’air comprimé, et se déroulant à mesure que les machines avancent.

Toute cette conduite retient hermétiquement enfermée la force motrice qu’elle est chargée de transmettre au fond du tunnel : elle est, comme disent les ingénieurs, d’une étanchéité parfaite. On l’a