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de quelques mètres. M. Sommeiller eut d’abord l’idée ingénieuse de faire travailler la rivière à s’élever elle-même à la hauteur exigée pour l’installation du premier système de compression. Il construisit un canal de dérivation qui court parallèlement à la rivière sur une longueur de 640 mètres, et gagna ainsi une chute de 6 mètres, qui fut employée à mettre en mouvement des pompes. Par le jeu des pompes, l’eau s’élevait à 26 mètres, retombait dans les compresseurs, et était de nouveau recueillie dans le bassin inférieur, puis élevée pour retomber encore, décrivant un cercle que les critiques du métier ont appelé vicieux. Ce mécanisme, inventé pour vaincre la difficulté opposée par la condition hydrologique du pays, témoigne de la fécondité d’esprit de l’inventeur; mais en mécanique appliquée il ne suffit pas de vaincre un obstacle, il faut encore le vaincre économiquement, il faut, pour emprunter les paroles de M. Sommeiller lui-même au parlement sarde, « faire descendre la mécanique du possible absolu dans le possible réel, pratique, profitable. » Il sentit lui-même, avant tous les autres ingénieurs, qu’il y avait dans l’élévation artificielle de l’eau de la rivière une grande perte de force et d’argent, et cette installation grandiose et coûteuse n’était pas achevée, que déjà son esprit infatigable avait trouvé l’autre système de compression, fonctionnant sans la chute d’eau de 26 mètres.

Pour comprendre ce nouveau système sans le secours du dessin, il faut qu’on se figure un tube horizontal de 57 centimètres de diamètre, se relevant aux deux extrémités et formant aussi, comme le compresseur à colonne, un siphon renversé, mais à deux branches parfaitement égales entre elles. Un piston mû par une roue hydraulique se promène à frottement dans la partie horizontale, et fait osciller une colonne d’eau qui remplit, quand le piston est au milieu de sa course, le tube horizontal et les deux branches jusqu’à la moitié de leur hauteur. À chaque mouvement de va-et-vient du piston, la colonne d’eau s’abaisse dans une branche en pompant l’air extérieur, et s’élève dans l’autre en le refoulant et le comprimant. Le même effet se reproduit dans les deux branches : la colonne d’eau, sollicitée par le piston au mouvement oscillatoire, appelle successivement l’air atmosphérique et le rejette comprimé par les soupapes ménagées aux deux têtes de l’appareil. L’appareil est d’une grande simplicité. Les soupapes agissent d’elles-mêmes sans une machine spéciale. Celles qui admettent l’air atmosphérique dans le corps de pompe s’ouvrent par le vide qui s’y fait à la retraite de l’eau, et se ferment à son retour; celles qui donnent entrée à l’air comprimé dans son récipient s’ouvrent sous la pression de l’air poussé par l’eau au sommet de la branche, et se ferment