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tours à la minute, et trois fois l’évolution de ces torrens s’accomplit en soutirant l’air à l’atmosphère par des clapets d’aspiration et en le jetant comprimé et réduit dans les récipiens rangés sur la même ligne devant les compresseurs. Le récipient est cylindrique, à calotte hémisphérique, d’une capacité de 17 mètres cubes, solidement construit en lames de fer, éprouvé à 15 atmosphères et pouvant soutenir un effort de 4 kilogrammes par millimètre carré. A la marche de trois pulsations par minute, qui est la marche la plus sûre, un récipient se remplit en vingt-sept minutes et huit secondes, et dans ses flancs s’engouffrent 102 mètres cubes d’air atmosphérique réduits au sixième de leur volume, c’est-à-dire à 17 mètres cubes. On en construit aujourd’hui qui contiendront 150 mètres cubes à 6 atmosphères. Si l’on réfléchit qu’un litre d’air comprimé à cette tension peut, d’après la loi de Mariotte, développer, en reprenant son volume primitif, un travail théorique de 110 kilogrammètres, ou, en d’autres termes, la force d’un cheval robuste, on aura l’idée de la puissance motrice accumulée dans ces vastes magasins. Les expériences ont démontré qu’elle s’y conserve pendant vingt-quatre heures sans déperdition sensible aux instrumens les plus délicats inventés pour la mesurer, et cette force se gouverne, se distribue avec une facilité extraordinaire. On ne craint plus aujourd’hui qu’elle fasse éclater ses récipiens : ils communiquent entre eux par des tubes, mais en même temps ils peuvent être isolés par un système de valves qui interceptent le passage de l’air. Il en est de même des compresseurs ; tous sont à volonté dépendans ou indépendans entre eux, et tous à la fois, ou par groupes de cinq, ou chacun séparément, peuvent être régis par la même machine aéromobile.

L’esprit qui a conçu ce système ne s’est pas épuisé, il en a trouvé un autre d’une installation plus commode, moins coûteux et plus énergique dans ses effets de compression, le système à pompe. On n’a pas oublié que le premier système avait été inventé pour remorquer les trains sur les plans inclinés du Giovi. Cette destination primitive est révélée par plusieurs détails de construction, entre autres par cette colonne d’eau de 50 mètres de haut qui maintient la pression dans les récipiens et permet de n’utiliser l’air comprimé qu’au moment du passage du train; mais ce système exige deux grandes chutes d’eau qui ne se trouvent pas réunies partout dans la même localité. A Bardonnèche, on les trouva toutes les deux; à Modane, les conditions hydrologiques étaient bien différentes. Le torrent du Charmay tombe d’assez haut, mais le volume en est insuffisant, et il gèle en hiver. La rivière de l’Arc, qui suit le fond de la vallée et offre un volume indéfini, ne donne qu’une chute