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usines à fer, telles que celles de Dowlais et de Plymouth, avaient été successivement fondées par des compagnies. Un grand obstacle contre lequel ont à lutter les entrepreneurs anglais et dont on ne se doute point assez en France, c’est que très souvent ils ne possèdent point le terrain sur lequel s’exerce leur industrie. Il y a quelques années, m’assure-t-on, le bail des terres occupées par les travaux du Dowlais, c’est-à-dire les collines d’où la fonderie extrait le charbon et le minerai de fer, était expiré, et comme le marquis de Bute, propriétaire du sol, dictait pour le renouvellement de ce bail des conditions que les maîtres de l’usine hésitaient à accepter, les travaux demeurèrent plus ou moins suspendus, à la grande consternation des ouvriers. Enfin, à la suite d’une crise et d’une période de souffrance, la difficulté s’arrangea, et si grande fut la joie des habitans de Merthyr qu’ils saluèrent l’heureuse nouvelle par le son des cloches. La vie de douze mille hommes avec toutes leurs familles livrée brusquement à la merci d’un contrat, quel argument plus fort contre la loi qui immobilise en Angleterre la propriété foncière dans les mains de quelques familles nobles! Aussi, qu’on ne s’y trompe point, la guerre est chez nos voisins entre ces deux puissances, l’industrie et ce qui reste encore du régime féodal. C’est une guerre lente, courtoise, respectueuse, car heureusement pour la Grande-Bretagne il n’y a point chez elle d’animosité entre les classes. L’industrie se courbe pour conquérir (j’emprunte volontiers le titre d’une comédie de Goldsmith); la noblesse, de son côté, fait la part du feu et cède prudemment du terrain à l’ennemi. Quoi qu’il en soit, le résultat peut-il être douteux? Qu’on regarde autour de soi dans le pays de Galles; les châteaux tombent en ruines, tandis que les usines avec leurs tours illuminées, leurs murailles noires et épaisses comme d’anciennes forteresses, leurs remparts de terre et de débris, se dressent fièrement panachées de plusieurs jets de fumée. Là est la vie, là est le progrès.

On arrive aux Cyfarthfa iron-works en traversant des chemins fangeux et un canal qui a la couleur du Styx. belle rivière Taff, qu’a-t-on fait de tes eaux? La terre sur laquelle on marche est d’ailleurs coupée dans tous les sens par des rubans de fer, tramways, qui serpentent jusque dans la ville. Comment oublier que ces rails, depuis si longtemps employés dans les mines, ont servi de prototype à nos voies ferrées sur lesquelles courent aujourd’hui les locomotives, ces chevaux du soleil, selon la théorie scientifique de Stephenson? L’usine, masquée par des habitations ou par des plis de terrain, se découvre enfin dans toute sa grandeur brutale. Construite dans l’épaisseur d’une colline éventrée par la pioche, elle se