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encore quelques massifs qui datent de cette époque, âgés par conséquent de quarante-cinq à cinquante ans ; mais la plupart ont depuis lors été coupés et ont produit des fourrés composés de cépées de chênes plus ou moins mélangées de broussailles et d’essences diverses. Sous le roi Louis-Philippe, on y introduisit les résineux, et les parties les plus arides furent repeuplées en pins, car alors le bois de Boulogne, qui faisait partie de la dotation immobilière de la couronne, ne fut pas l’objet de moins de sollicitude que sous la restauration. Après avoir fait retour à l’état en 1848[1], il fut cédé par lui, en vertu de la loi du 22 juillet 1852, à la ville de Paris, à charge par celle-ci de subvenir à toutes les dépenses de surveillance et d’entretien et d’y faire, dans le délai de quatre ans, des travaux d’embellissement jusqu’à concurrence d’une somme de 2 millions. Ce n’était pas pour l’exploiter à son profit que la ville de Paris avait obtenu la concession du bois de Boulogne, mais pour le transformer en promenade. Aussi commença-t-elle par y suspendre les coupes, puis elle fit disparaître ces immenses allées droites dont l’aspect parfois grandiose ne rachète pas toujours la monotonie. Deux seulement furent conservées : celle des Acacias, de Longchamps à la Porte-Maillot, et celle de la Reine-Marguerite, de Boulogne à la porte de Neuilly ; toutes les autres furent replantées et remplacées par des routes sinueuses. Dans le principe, ces routes étaient ouvertes un peu au hasard, au gré de ceux qui ont été appelés à donner leur avis. Le plus souvent on se dirigeait à vue d’œil d’un point vers un autre, en infléchissant le tracé à droite ou à gauche, quand on voulait épargner quelque vieil arbre ou ménager quelque point de vue. Ce ne fut qu’en 1855 que M. Alphand, ingénieur en chef des ponts et chaussées, fut chargé de la direction des travaux, et qu’il leur donna l’unité qui résultait d’un plan arrêté à l’avance. Il fit creuser un lac, une rivière et de nombreux ruisseaux, accidenter le paysage au moyen de rochers amenés à grands frais de Fontainebleau, bâtir des chalets de toutes formes et de toutes dimensions, planter de tous côtés des fleurs et des arbustes, pour varier la teinte trop uniforme du feuillage, et réussit à faire du bois de Boulogne la magnifique promenade que tout le monde connaît. Les îles sont devenues de véritables jardins botaniques renfermant les plantes exotiques les plus diverses : des géraniums, des pélargoniums, des crinoles d’Amérique, des dielytres de Chine, des gandasulis, des bananiers, des escalonies, dont le feuillage semble verni au pinceau, des hortensias panachés, etc. Enfin la création de l’hippodrome de Longchamps et du jardin d’acclimatation devint pour le public un attrait de plus, et l’intéressa à des entreprises utiles dont il n’avait pas eu jusqu’alors l’occasion de s’occuper.

  1. Un décret du 28 août 1851 prescrivait l’exploitation en taillis du bois de Boulogne à la révolution de trente ans, c’est-à-dire par coupes annuelles au trentième de l’étendue totale, sauf réserve d’une bordure le long des routes. La cession à la ville a annulé ce décret.