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nul, et ne réserverait-on pas les arbres pour former de petits massifs dans les carrefours? Réunis en groupe, ils se protègent mutuellement et résistent beaucoup mieux aux influences contraires que lorsqu’ils sont isolés, sans pour cela offrir aux regards un aspect moins pittoresque. Rien ne nous paraît plus propre à dissimuler la sécheresse de notre architecture et à égayer nos rues que des bouquets d’arbres disposés de distance en distance et dont la création des squares peut déjà donner une idée. Ce système présenterait un autre avantage, celui de mettre fin aux réclamations dont les plantations des boulevards ont souvent été l’objet de la part des habitans des maisons voisines. Quand ces arbres sont grands, ils obscurcissent les appartemens, y entretiennent l’humidité, et y attirent des insectes; ce sont là des inconvéniens très sérieux qui, s’ils ne sont pas très sensibles encore, le deviendront lorsque les sujets qu’on plante aujourd’hui auront atteint les dimensions de ceux qu’on voyait avant 1848 sur quelques parties des boulevards.

Je viens de parler des squares ; c’est une création récente et l’une des meilleures de l’édilité parisienne. Il existait bien autrefois quelques places plantées d’arbres, mais c’est depuis 1855 seulement qu’on a eu l’idée d’en faire des promenades et d’en augmenter l’étendue. Ils sont aujourd’hui au nombre de treize, sans compter les parcs et jardins publics[1], et comprennent une superficie de 6 hectares 95 ares. Ces squares sont une importation anglaise qui a beaucoup gagné à passer le détroit, car ils sont tracés avec un goût dont ceux de Londres n’approchent pas. Il est vrai que ceux-ci n’y sont pas comme chez nous entre les mains d’une administration centralisée qui leur consacre un budget spécial ; ils appartiennent les uns à la couronne, d’autres aux paroisses, d’autres à des particuliers. Le parc Monceaux, ouvert au public depuis 1861, est plus qu’un simple square, puisqu’il a une contenance de 8 hectares 69 ares. Construit en 1778 par le duc d’Orléans sur les dessins de Carmontel, puis confisqué par l’état, il fut restitué en 1814 à la famille d’Orléans, qui en resta propriétaire jusqu’en 1852. Devenu propriété de la ville de Paris, il fut transformé en une promenade publique où l’exagération du luxe frise parfois le mauvais goût.

Les Champs-Elysées, dont la contenance est de 18 hectares 95 ares, étaient encore, au commencement du XVIIe siècle, un simple terrain cultivé, sillonné seulement de quelques sentiers, borné par les villages de Chaillot et du Roule. En 1628, Marie de Médicis fit tracer au bord de la Seine une promenade, composée de trois allées d’arbres, qui prit le nom de Cours-la-Reine. En 1670, on planta les terrains jusqu’au faubourg Saint-Honoré, mais en leur laissant leurs inégalités, leurs gazons et leurs sentiers, en manière de jardin anglais. Plus tard, on ouvrit l’allée principale en face du palais des Tuileries; enfin, sous Louis XV, on nivela le terrain, on perça

  1. Les jardins des Plantes, du Luxembourg, des Tuileries, du Palais-Royal, n’appartiennent pas à la ville, et l’entretien n’en est pas à sa charge.