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son chemin; mais l’on dut renoncer à ce beau projet, qui rentrait si bien dans les habitudes symétriques des administrations françaises, car on aurait trouvé des essences assez mal avisées pour ne pas vouloir se plier au programme et pour refuser de végéter là où on les mettrait. On s’en tint donc aux ormes, aux marronniers, aux platanes, aux tilleuls, aux acacias, aux érables et aux vernis du Japon[1]. Cependant même parmi celles-ci il faut faire un choix, car elles ne résistent pas également bien à toutes les influences. Ainsi les marronniers et les tilleuls poussent très vite et donnent beaucoup d’ombrage; mais, comme tous les bois blancs, ils absorbent dans le sol une grande quantité d’eau, et souffrent beaucoup des substances nuisibles qui s’y rencontrent. Ils sont très sensibles à l’action de la poussière, qui, jointe à la réverbération des murs, fait tomber leurs feuilles dès le mois de juillet. Les ormes gardent les leurs plus longtemps, mais ils donnent peu d’ombre et croissent lentement. En somme, ce sont les platanes et les vernis du Japon qui paraissent le moins souffrir et qui répondent le mieux à l’objet qu’on a en vue, celui d’embellir et d’ombrager la voie publique.

Les arbres qu’on plante depuis quelques années proviennent en partie du commerce, en partie des jardins expropriés pour le percement des rues nouvelles; mais la ville a créé récemment une grande pépinière à Petit-Bry, près de Nogent-sur-Marne, où elle trouvera bientôt de quoi faire face à tous ses besoins. En attendant, elle demande beaucoup de sujets aux horticulteurs et pépiniéristes de profession, qui lui fournissent aussi des fleurs et des arbustes pour les squares. D’après le cahier des charges, les arbres doivent être extraits et amenés à leurs frais à jour et à heure fixes sur le lieu de la plantation, où les agens de la ville, après vérification, en acceptent ou refusent la livraison. Les époques assignées pour ces opérations sont les mois d’octobre, novembre, février et mars. Malgré les garanties qu’on exige pour n’avoir que des sujets de choix, malgré les soins que l’on prend pour en assurer la reprise et en empêcher le dépérissement, je crois que tôt ou tard on sera forcé de renoncer aux plantations en lignes, sinon sur les quais, places et avenues où le gaz et la poussière sont moins à craindre, du moins sur les boulevards, où ils exercent leur action délétère dans toute son intensité. Sans doute, à force de sacrifices, on pourra toujours y conserver des arbres; il suffit de remplacer à mesure ceux qui viennent à mourir, c’est-à-dire de renouveler la plantation à peu près tous les quatre ou cinq ans; mais la question est de savoir si de pareilles dépenses ne sont pas hors de proportion avec les résultats obtenus. Pourquoi n’ombragerait-on pas par exemple la voie publique avec des plantes grimpantes qu’on pourrait disposer de mille manières, dont l’entretien serait presque

  1. Au 1er janvier 1863, on comptait 53,993 arbres d’alignement, non compris les massifs : 22,295 ormes, — 6,697 marronniers, — 11,403 platanes, — 2,328 tilleuls, — 2,378 acacias, — 6,668 érables, — 2,224 arbres divers.