Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvement général de la contrée. Il semble probable à plusieurs géologues que la France entière, agitée par un léger et presque imperceptible frisson, se soulève lentement du côté du sud et pivote sur une ligne d’appui passant par la péninsule de Bretagne. En tout cas, il est certain que les côtes du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge n’ont cessé de croître verticalement depuis l’époque historique. « La banche pousse, » disent les habitans du littoral, qui depuis longtemps observent l’élévation graduelle du terrain.

Les phénomènes du même genre sont aussi très communs dans les îles et sur le pourtour du bassin oriental de la Méditerranée. De même que la Sicile et plusieurs parties du littoral de l’Italie et de la Grèce, un grand nombre d’îles, Malte, Rhodes, Chypre, sont entourées de terrasses circulaires plus ou moins élevées au-dessus du niveau de la mer et composées de roches calcaires ou sablonneuses de formation récente[1]. L’étude des côtes de l’Asie-Mineure prouve que là aussi le sol n’a cessé, durant l’époque humaine, de s’élever d’un mouvement assez rapide. Depuis les temps historiques, cette partie du continent s’est élargie d’une zone considérable aux dépens de la mer Egée, et ce ne sont pas les alluvions des fleuves ni les relais de la mer qui ont produit cet accroissement de territoire, car les rivières de l’Anatolie n’ont qu’un faible développement et les eaux qui baignent les côtes ne peuvent, à cause de leur grande profondeur, apporter beaucoup de sable. C’est donc par suite d’un soulèvement lent de l’écorce terrestre que les ruines de Troie, de Smyrne, d’Éphèse, de Milet, se sont graduellement éloignées du rivage et semblent reculer de plus en plus dans l’intérieur des terres. C’est aussi pour la même raison que tant d’îles de la mer Egée, jadis distinctes, se sont réunies les unes aux autres ou bien se sont rattachées au continent pour former des promontoires ou de simples collines environnées de plaines basses. Les témoignages des auteurs anciens sont unanimes au sujet de ces empiétemens des plages. Durant les siècles de la civilisation grecque, les deux moitiés de Lesbos, Issa et Antissa, se seraient unies en une seule terre, et diverses îles auraient rejoint la terre ferme à Mindus, à Milet, au cap Parthénion, à Ephèse, près d’Halicarnasse et de Magnésie. Depuis cette époque, l’île de Lade, non loin de laquelle les galères ioniennes livrèrent une grande bataille à la flotte des Perses, s’est également transformée en un monticule entouré d’alluvions.

Les côtes qui bordent la Mer-Noire en Europe et en Asie présentent aussi des témoignages importans en faveur d’un soulèvement du sol qui se serait accompli pendant la période actuelle. On peut citer, entre autres indices, les bancs de coquillages modernes que

  1. Voyez un travail de M. Albert Gaudry dans la Revue du 1er novembre 1861.