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partout, et que la fécondité de la production, fomentée par la liberté commerciale, par les voies rapides de communication, par l’application heureuse des sciences à l’industrie, tend à élever le niveau des profits.

Telle était la préoccupation constante de sir Robert Peel. Il avait eu la gloire en 1819 de faire décider la reprise du paiement en espèces; il compléta son œuvre par l’act de 1844, qui mit l’Angleterre à l’abri d’un désastre analogue à celui qu’elle avait subi pendant plus de vingt années. Désormais, comme l’a dit l’illustre promoteur de cette loi, la livre sterling ne risque plus de perdre le type qui lui appartient et de devenir le sentiment de la valeur, au lieu d’être la valeur elle-même : elle correspond à un poids et à un titre déterminé du métal précieux qui sert de mesure commune aux échanges accomplis dans l’univers entier. Cette fixité de garantie constitue un immense service rendu au commerce et à la production des richesses, qui reposent sur l’admirable mécanisme de la monnaie, dont rien ne doit altérer la pureté. Chacun reconnaît combien il importe de faciliter l’escompte; mais ce qui domine tout, c’est la stabilité du gage des contrats. Pour ne point l’altérer, pour conserver aux transactions un point de repère infaillible, pour donner à la mesure des valeurs la plus grande stabilité qu’il soit possible d’atteindre, pour mettre les prix à l’abri des variations capricieuses, il faut veiller à maintenir au-dessus de tout soupçon la rectitude du mécanisme monétaire. Tel est le caractère véritable du currency-principle, qui l’a emporté en Angleterre sur le banking-principle en faisant triompher l’intérêt général et véritable du pays, lié à la solidité du mécanisme monétaire, sur l’intérêt apparent de la facilité de l’escompte. D’anciens préjugés ont été vaincus; les négocians de la Cité, comme le disait dernièrement le Times, sont trop éclairés pour se laisser séduire par l’antiquaille du capital illimité et de l’escompte invariable. Les règles sévères consacrées par la loi de 1844 pour l’Angleterre, et par les lois de 1845 pour l’Ecosse et l’Irlande, empêchent les émissions qui ne sont pas garanties par une valeur correspondante en or de s’élever à un demi-milliard de francs. Une fois que la limite marquée pour la quotité de l’émission fiduciaire se trouve atteinte, l’escompte ne peut plus se faire qu’avec des billets intégralement représentés par le métal en caisse. Cette rigueur est peut-être trop grande; la facilité offerte en 1847 et en 1857 pour la suspension temporaire de la loi de 1844 pourrait être adoptée en principe. De cette manière, la Banque d’Angleterre serait admise, avec l’autorisation du gouvernement, à augmenter la circulation fiduciaire pour faire face à une crise causée temporairement par l’absence d’une quotité suffisante de signes monétaires; mais aussi, pour bien marquer le but spécial de cette mesure et lui enlever