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plus bas que ne le permet la position du marché. Du moment où l’on renonce à lutter contre une hausse nécessaire, tout rentre dans l’ordre accoutumé, les caisses des banques cessent de se dégarnir, le reflux de l’or commence.

L’expérience récente accomplie en France et en Angleterre suffit pour convaincre les plus incrédules. On essaierait vainement de donner le change sur l’efficacité de cette mesure en la dénonçant comme un vestige du système suranné de la balance du commerce, qui n’avait en vue que l’accroissement constant du numéraire : rien ne s’en éloigne davantage. Voltaire, dont on a invoqué l’autorité, était un fidèle défenseur de la fameuse balance. « Si nous attrapions de l’étranger 10 millions par an, fait-il dire au géomètre dans l’Homme aux quarante écus, pour la balance du commerce, il y aurait dans vingt ans 200 millions de plus dans l’état. » Les économistes, qu’il raillait, ont eu la gloire de prouver que les empires ne s’enrichissent point en obtenant sans cesse des balances avantageuses en métaux précieux, mais en augmentant la masse des produits utiles. Ils ont protesté contre les moyens factices de retenir l’or ou de l’attirer, parce qu’ils ont toujours soutenu que le niveau nécessaire s’établirait tout seul, à la condition qu’on n’essaierait point de forcer la marche naturelle des choses. Ils ont fait justice des craintes de disette et de famine en proclamant la liberté du commerce des céréales, parce que le blé ne manque jamais là où l’on consent à le payer ce qu’il vaut : ce sont les prétendus magasins d’abondance, ce sont les règlemens arbitraires qui peuvent seuls, en essayant de produire une baisse factice, empêcher les approvisionnemens. La rareté attire l’or comme le blé ; le mouvement du commerce le dirige là où on le paie plus cher ; il reviendra donc dès qu’on n’usera plus d’artifices pour lui retirer un bénéfice naturel. La Banque ne fait pas la hausse de l’escompte, elle la subit ; si elle fermait les yeux devant la nécessité, si elle se laissait envahir par des exigences qui grandissent à mesure que la position s’aggrave, elle déserterait son devoir au grand détriment du commerce, exposé à payer bien cher un ajournement irréfléchi de l’élévation de l’intérêt.

L’émission de billets faisant office de monnaie complique la situation et l’aggrave. Si la circulation était purement métallique, à mesure que la somme nécessaire pour entretenir le mécanisme des échanges diminuerait, le prix de toutes choses baisserait sur le marché, mal pourvu de métaux précieux ; le prix de l’or hausserait par conséquent, et l’équilibre ne tarderait point à se rétablir. Avec une circulation mixte, composée d’or et de billets, à mesure que la somme des signes fiduciaires augmente, le métal précieux s’en va. On s’en aperçoit peu tant que l’émission destinée à com-