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de la monnaie fiduciaire. En effet, les opérations qui exigent le comptant sont toujours limitées, et la création d’un trop grand nombre de billets de banque résultant de l’escompte n’aboutit qu’à substituer le comptant improductif à des engagemens à terme qui donnaient un revenu et qui étaient conservés comme mode de placement; tout au contraire le numéraire métallique et fiduciaire est un capital mort qui ne profite qu’autant qu’il circule, et s’il dépasse les besoins du marché, il s’avilit. L’unité du droit d’émission des billets, faisant office de monnaie, sert ici de puissante sauvegarde : elle prévient le péril et permet de faire face aux situations difficiles. Le fractionnement de ce droit pourrait, dit-on, augmenter de quelques centaines de millions la circulation fiduciaire : en admettant pour un moment cette hypothèse fort hasardée, nous serions loin d’y applaudir, car le risque accru l’emporterait de beaucoup sûr le bénéfice; mais on n’arriverait même pas à cette extension. Le résultat le plus certain d’une pareille mesure serait de diminuer au lieu de multiplier le nombre des billets en circulation, tout en aggravant le péril des crises monétaires. Quant au premier point, il est admis par beaucoup de ceux qui demandent ce qu’ils nomment la liberté des banques; ils s’arment même contre l’unité des facilités qu’elle donne pour étendre la circulation fiduciaire. Cette divergence d’appréciation parmi les partisans d’un même système suffirait pour nous tenir en garde contre la fécondité qu’on lui attribue. Qu’arrive-t-il en effet? C’est le public qui fait crédit à la Banque en acceptant ses billets : plus le crédit de la Banque s’élève, et plus la circulation fiduciaire se maintient à l’abri de tout échec. C’est ainsi que le commerce tout entier est intéressé à l’inébranlable solidité de l’institution qui alimente les transactions journalières. La France emploie aujourd’hui environ 800 millions de billets de banque; comment ce résultat considérable a-t-il été obtenu? Grâce à la puissance du crédit acquis à la Banque de France et grâce à l’unité du billet, qui le fait circuler partout. Rien de pareil ne se serait produit en présence des banques départementales, armées chacune d’un privilège local. On ne se rappelle donc plus les plaintes légitimes que soulevait cette sorte de féodalité, et les entraves qu’opposait la marqueterie de billets émanant de sources différentes? — On a prétendu encore que du moment où pleine garantie serait donnée à l’échange de tous les billets contre espèces, l’unité de la monnaie fiduciaire existerait de fait, car ils représenteraient tous, au même titre, le numéraire. Par malheur, le moyen de donner d’une manière certaine cette pleine garantie n’existe point dans le système de la concurrence des banques d’émission; toutes les règles indiquées ont failli devant l’expérience, dès que l’on a un peu élargi l’écart entre la réserve métallique et les billets émis. Restriction forcée de la