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été ainsi après les grandes crises, après celles de 1847, de 1857, comme après celle de 1864. Du reste, ceux qui se sont saisis de ce singulier argument n’avaient qu’à prendre un peu patience : ils auraient vu le premier bilan de 1865, celui du 5 janvier, accuser un accroissement considérable du portefeuille, qui a augmenté de 93 millions dans l’espace d’une semaine, en montant à 690 millions. Quant à la diminution du chiffre des avances sur titres, l’occasion s’offrira bientôt d’expliquer pourquoi nous sommes loin de nous en plaindre ; ces avances intéressent beaucoup plus la spéculation que le commerce.

En résumé, l’élévation du taux de l’escompte, grief principal invoqué contre la loi du 9 juin 1857, n’a fait augmenter l’intérêt perçu par la Banque de France que de ½ pour 100 en moyenne durant les sept dernières années. Cette augmentation s’explique par l’extension des affaires, l’essor de l’esprit d’entreprise, les nombreux travaux exécutés avec le capital français, et les emprunts considérables auxquels ce capital a dû faire face chez nous et au dehors; elle a été motivée aussi par le mouvement des métaux précieux.

Après avoir invoqué le passé sans tenir compte des différences de situation, après avoir ainsi tracé un tableau de pure fantaisie, c’est dans les institutions de crédit des pays étrangers qu’on cherche des armes contre le principe de l’unité de circulation fiduciaire. Ici les mêmes erreurs se reproduisent, et il sera facile d’en faire justice. Ceux qui combattent ce principe savent-ils bien qu’ils essaient de remonter le courant auquel obéit le monde entier? De plus en plus l’organisation de la Banque de France devient le type de la constitution financière des autres peuples : on essaie de reproduire ce type ou de s’en rapprocher. La Belgique, la Hollande, presque tous les états de l’Allemagne, ne possèdent qu’une banque d’émission. L’Italie est à la veille d’adopter ce système. Si c’est une faute que de marcher dans cette voie, le nombre des coupables se multiplie, et nous serions curieux de connaître le pays où l’on serait disposé à renoncer à l’unité de la circulation fiduciaire pour adopter le régime de la concurrence en fait de monnaie de papier.

Mais, dira-t-on, l’Angleterre, l’Ecosse, les États-Unis, ne connaissent point de privilège en fait d’émission; ils profitent du régime de la liberté et s’en trouvent à merveille. — Cette assertion, sans cesse reproduite, est-elle bien exacte? Oui, il fut un temps, assez rapproché du nôtre, puisque nous n’en sommes pas encore séparés par un quart de siècle, où ces divers pays obéissaient aux lois de la concurrence en fait de banques d’émission, où, suivant l’expression de Carey, chacun était aussi libre de fonder un de ces établissemens que d’ouvrir une échoppe de savetier. Qu’en est-il