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à expliquer cette inégalité d’élévation[1]. Qu’il nous suffise de dire que d’après cette théorie les roches de diverse nature, schistes, grès ou calcaires, qui composaient les montagnes de la péninsule Scandinave n’ont cessé de se gonfler par suite de l’infiltration des eaux de neige, et, grâce à de nouvelles cristallisations s’opérant par voie humide, se sont peu à peu transformées en masses de granit stratifié.

Cette hypothèse, très discutée par les géologues, expliquerait le redressement des lignes d’érosion de la côte norvégienne près du massif des montagnes ; mais elle ne rend point compte des intervalles de repos relatif, ni surtout de l’affaissement du sol que plusieurs faits géologiques prouvent avoir eu lieu durant la période glaciaire. Il est donc nécessaire d’admettre que d’autres forces géologiques sont à l’œuvre dans la masse solide de la Scandinavie. D’ailleurs il ne faut point perdre de vue que le soulèvement de cette péninsule n’est pas un fait isolé, et que les autres contrées du nord de l’Europe et de l’Asie semblent, malgré la diversité de leurs roches, être toutes animées d’un mouvement d’ascension. Les îles du Spitzberg offrent en général, entre la rive actuelle de la mer et les montagnes, d’anciennes plages doucement inclinées et larges de 1 à 4 kilomètres où l’on trouve, jusqu’à une hauteur de 45 mètres, des amas d’os de baleines et de coquillages de l’époque actuelle : ces débris, entourant toutes les petites neigeuses du Spitzberg, prouvent que cet archipel, comme la Scandinavie, émerge graduellement des flots de l’Océan polaire. Les côtes septentrionales de la Sibérie s’élèvent également, si l’on en croit les traditions populaires et les témoignages recueillis par les voyageurs. On découvre au milieu des toundras, et même sur des collines fort élevées, de grandes quantités de bois à moitié pourri que les vagues de la mer ont jetées autrefois sur le rivage, et qui en sont actuellement éloignées de 40 ou 50 kilomètres ; l’île de Diomida, que Chalaburof avait reconnue en 1760, à l’est du cap Sviatoj, était rattachée au continent soixante ans plus tard, lors du voyage de Wrangell.

Les falaises de l’Ecosse offrent aussi des phénomènes semblables à ceux de la Scandinavie. Des lignes parallèles de niveau tracées par les flots sur les escarpemens des rochers et parsemées des coquillages des mers voisines attestent l’élévation graduelle de cette partie de la Grande-Bretagne. Ce mouvement d’ascension se continue toujours, car on a constaté que les anciennes terrasses d’origine marine situées au-dessus des estuaires de la Forth, de la Tay, de la

  1. Voyez, dans la Revue du 15 août 1863, Un Tour de naturaliste dans l’extrême Nord. Voyez aussi Nord-Fahrt, de Carl Vogt, pages 358 et suivantes.