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le taux de l’intérêt ; elle subit le contre-coup des exigences du marché. Quand on l’accuse d’élever abusivement le taux de l’escompte, on lui attribue un pouvoir qu’elle ne possède pas, et l’on prend pour une cause de malaise ce qui n’est qu’une conséquence de l’équilibre rompu entre la demande incessante et la formation successive de capitaux considérables. Faut-il rappeler l’immobilisation croissante des ressources actives dans les grands travaux publics, qui, tout en promettant d’utiles résultats pour l’avenir, retiennent une grande partie du capital circulant et le transforment en capital fixe ? Quand aux milliards absorbés au dehors et au dedans par la construction des chemins de fer, par la transformation des grandes villes, par la création d’établissemens de crédit, l’amélioration de la culture, l’accroissement de l’industrie, l’extension du commerce, l’on ajoute les milliards dévorés par les emprunts publics, on arrive à un total gigantesque, qui dépasse les visées les plus hardies, qui confond l’imagination. Il faut que la France possède d’admirables ressources pour avoir fait face à de pareils besoins sans fléchir sous le fardeau. Qui s’étonnerait d’un léger accroissement du taux de l’intérêt en présence des nécessités nombreuses imposées par les entreprises de la guerre et par les travaux de la paix ? Si quelque chose est de nature à exciter une légitime surprise, c’est que des saignées aussi abondantes faites au capital circulant aient pu ne se traduire que par une aussi faible différence sur le taux moyen de l’escompte, car c’est le taux moyen qui indique seul les bénéfices réels de la Banque, comme les charges réelles du commerce[1].

La Banque de France a eu besoin de la solidité de son crédit et de la puissance que lui donne sa constitution pour répondre, comme elle l’a fait, à des demandes d’escomptes accrues dans d’énormes proportions. Si une nécessité absolue l’a contrainte à recourir temporairement à des taux élevés, on doit reconnaître que dans les circonstances les plus difficiles elle a su concilier l’aide donnée au commerce avec les commandemens de la prudence. La différence sur le loyer du capital a une gravité que nous sommes loin de méconnaître, les plaintes du commerce, qui s’arrête à la superficie des choses et blâme ce qui le blesse sans tenir compte de ce qui lui profite, n’ont rien qui doive étonner ; mais ce qui lui importe avant tout, ce sont des ressources suffisantes : or le tableau des escomptes accomplis porte en traits éloquens la marque des services rendus par la Banque. Il suffit de citer ici quelques chiffres pour montrer

  1. Il y aurait à tenir compte aussi de l’influence exercée par le mouvement international des métaux précieux, et nous en dirons un mot tout à l’heure. L’excellent travail de M. de Laveleye publié dans la Revue du 15 janvier a d’ailleurs simplifié notre lâche en jetant une vive lumière sur cette question.