Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec la Mer du Nord par un large canal, dont les lacs Mälar, Hjelmar et Wenern occupent aujourd’hui les plus profondes dépressions. Des amas considérables d’huîtres se trouvent en plusieurs endroits sur les hauteurs qui dominent ces grands lacs de la Suède méridionale. Sur les écueils mis à sec qui entourent le golfe de Bothnie, on a également découvert des bancs de ces mollusques, entièrement semblables à ceux de la Norvège et des côtes occidentales du Danemark. Quant aux célèbres kjoekkenmoeddinger des îles danoises, ils sont en grande partie composés d’huîtres que les habitans de l’âge de pierre recueillaient évidemment sur les fonds des baies voisines. Les recherches de M. de Baer ont établi que l’huître ne peut vivre et se développer dans une eau dont la teneur en sel est moindre de 16 ou 17 pour 1,000[1]. Or la mer Baltique, à laquelle ses nombreux tributaires apportent une grande quantité d’eau douce, se dessale peu à peu ; maintenant elle ne contient plus en dissolution, suivant les divers parages, que 1 centième ou 5 millièmes de sel, et même au fond des golfes l’eau est devenue presque entièrement douce. Il est donc certain que la mer Baltique et les lacs intérieurs étaient jadis salés comme l’est de nos jours la Mer du Nord, et d’où pouvait provenir cette salure, sinon d’un ancien détroit, occupant la dépression où les ingénieurs suédois ont creusé le canal de Trolhätta ? D’après M. de Baer, c’est à cinq mille ans au plus avant notre siècle qu’il faudrait faire remonter la fermeture de ce grand détroit.

Depuis que Léopold de Buch a mis hors de doute le fait considérable du soulèvement graduel de la Scandinavie septentrionale, divers géologues, ont constaté que l’élévation ne se produit pas d’une manière parfaitement uniforme. Pendant les siècles passés, le mouvement s’est tantôt accéléré, tantôt ralenti, ainsi que le prouve l’inégalité des plages superposées qui se prolongent sur les flancs des montagnes du littoral norvégien. Quelques-unes de ces marches que les vagues ont sculptées dans le roc sont larges et doucement inclinées ; d’autres sont abruptes et se distinguent à peine des pentes supérieures ; enfin les mesures directes opérées par M. Bravais sur les lignes d’érosion de l’Altenfjord ont prouvé qu’elles ne sont point parallèles, et que les masses rocheuses situées vers le fond des golfes ont été plus énergiquement soulevées que les assises plus rapprochées de la mer. Un écrivain compétent, qui fut aussi le compagnon de Bravais, M. Charles Martins, a exposé dans la Revue même l’ingénieuse hypothèse par laquelle le professeur Vogt cherche

  1. L’huître prospère dans les mers qui contiennent de 20 à 30 pour 1,000 de sel ; là où la quantité de sol est supérieure à 37 ou moindre de 18 pour 1,000, elle dépérit.