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de miss Madison, de miss Monroe, de miss Clay et de miss Calhoun Pinckney, qui tiennent de près, ainsi que l’indiquent leurs prénoms, aux premières notabilités politiques de l’Union. Le président Jackson, intimement lié avec le père qu’elles ont perdu, les regarde en quelque sorte comme ses filles ; elles ont grandi sous la tutelle de cet homme d’état, qui figure comme témoin à la noce de Catherine et dont le patronage est acquis dès lors à l’homme qu’elle a choisi pour époux. Pitt Granville, flatté du mariage de son frère Thomas, s’efforce d’y voir le gage d’une résipiscence tardive et décide son associé Nordheim à l’admettre en tiers dans la maison qu’ils dirigent. Tom cependant, après quelques efforts avortés, retombe dans ses premiers erremens. La règle, l’économie, le travail, lui sont étrangers depuis trop longtemps pour qu’aucun parti-pris leur subordonne désormais son existence. Sa femme ne lui a pas apporté de fortune, et les revenus qu’il doit à la généreuse intervention de son frère ne suffisent pas un seul jour au luxe dont il veut s’entourer, à la folle prodigalité dont il a contracté l’habitude. Pitt Granville essaie vainement d’y mettre ordre en limitant avec une certaine rigueur les prélèvemens du nouvel associé sur le revenu commun, il n’aboutit qu’à faire au jeune ménage une situation éminemment difficile et périlleuse. Nordheim, insatiable dans ses désirs et sans cesse aux aguets de quelque nouvelle conquête, voit tout le parti qu’il pourra tirer des embarras où l’incurie de Thomas Granville a déjà placé sa jeune épouse. Sa bourse est ouverte au mari dissipateur, ses soins assidus sont prodigués à la femme trop souvent délaissée. Las de Clara Norris, dont le luxe croissant commence à lui peser, il cherche un complice qui, la rendant infidèle et le justifiant ainsi à ses propres yeux, lui fournisse l’occasion d’une rupture suffisamment motivée. En attribuant ce rôle à Thomas Granville, Nordheim espère y trouver double profit, la femme qu’il convoite devant plus facilement oublier ses devoirs, s’il la met en face d’un parjure flagrant. Le marché qu’il propose à son associé dans une heure d’extrême détresse est tout simplement de lui compter deux mille dollars le jour où, par lui séduite, Clara Norris ne pourra plus se targuer d’une fidélité irréprochable : combinaison savamment immorale que l’égoïste prudence des deux femmes fera misérablement échouer. Donner audience au brillant mari de Kate Pinckney, écouter ses fadeurs, accompagner sur le piano les romances qu’il chante si bien, tolérer ses assiduités qui le compromettent seul, la maîtresse de Nordheim y consentira volontiers; mais l’admettre en tiers dans ce paradis d’où elle ne veut pas être chassée, tenez pour certain qu’elle ne le fera jamais, parce qu’elle sait compter. Quant à Catherine Pinckney ou plutôt à mistress Thomas Granville, si ulcérée qu’elle puisse être par les irrégularités de son mari, elle acceptera les bons offices,