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ou de quelque source plus abondante et plus généreuse. Il ne croit plus que cette science ait des fruits. — Vous me montrez fort bien, dit-il aux psychologies, que nous avons les idées du vrai, du juste et du beau, parce que nous n’avons pas pour unique principe de nos connaissances la sensation d’où rien de pareil ne peut sortir ; mais qu’importe cette preuve, quand nous sentons en nous ces idées, toutes palpitantes et toutes vibrantes, quand ces étoiles répondent adsum à l’appel souverain de l’artiste ou du penseur ? Il suffit d’avoir ces idées, d’où qu’elles viennent. Vous avez dépensé dans la démonstration de leur provenance beaucoup d’esprit qui ailleurs eût fait merveille. Rien n’est indifférent comme une erreur à ce sujet. Où en serait le monde, si les idées s’y arrêtaient faute d’une théorie correcte sur l’origine des idées ? Le fait est que le monde marche, qu’il a même fait de nos jours ses plus grands pas en dépit du sensualisme que vous combattez, et sans attendre le spiritualisme que vous professez. Ceci est une question de date. Voyez donc le XVIIIe siècle expliquant l’origine de nos connaissances ainsi que faisaient Locke, Condillac, et néanmoins arrivant avec cette pauvre théorie à cette déclaration de 89, où s’épanouit tout ce qu’on peut imaginer de droit au profit des sociétés et des individus ! Ce n’est pas sa psychologie, bien sûr, qui l’a mené là ; elle n’était faite que pour l’en détourner et le borner. À défaut de lumière psychologique, comment cette idée de droit qui est en nous a-t-elle fait pour en sortir, pour percer à ce moment ? Par où a-t-elle pris pour devenir la conscience de toute une société ? Par où doit-elle prendre pour passer dans les faits ? Cet avènement tient-il à ce que l’esprit français était cultivé par une église riche et lettrée qui dispensait l’enseignement avec une profusion qui en était presque la gratuité, ou bien à la prépondérance de classes supérieures dont la noblesse et le loisir appartiennent naturellement aux grandes idées ? Verrons-nous là un essor naturel de l’esprit humain vers la vérité, ou le don particulier d’une race, ou le bénéfice d’un certain état de société, tel que la perle dans une huître malade ? Je n’affirme rien, je ne propose rien, en fait de restaurations surtout ; mais tout cela mérite d’être examiné, d’être vérifié à fins politiques, pour mettre, s’il y a lieu, dans la société moderne quelque chose de ce qui a si bien servi l’ancienne, et qui l’a même réformée de fond en comble.

Êtes-vous sûrs que la plus haute philosophie ne soit pas là ? C’est à dessein que je dis la plus haute, car dans cette poursuite vous touchez aux devoirs, aux vertus (la charité par exemple), qui préparent l’individu à revivre pour des récompenses, car vous arriverez peut-être ainsi à une solution telle que d’enseigner cette vertu par l’exemple de l’état, par le précepte et la substance des lois.