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son pouvoir est à ce prix. — Si c’est l’esprit de corps et de localité..., il faut créer des corps et instituer des pouvoirs locaux. — Si la religion..., vous aurez à examiner lequel vaut mieux à cette fin, d’une religion indépendante ou salariée. Si le bien-être, désarmant les convoitises grossières et les appétits de spoliation qui pourraient naître chez le peuple souverain,... il faut admettre alors que l’état doit faire de son mieux pour créer ce bien-être; c’est le cas du socialisme. Si c’est l’instruction, la culture de l’esprit... Arrêtons-nous sur ce point, qui en vaut la peine : s’il est vrai que l’égoïsme entende la raison et soit capable de s’élever, de s’élargir, de se raffiner, d’abdiquer enfin, selon que les intelligences sont plus ou moins ouvertes et cultivées, il suit de là que l’intelligence populaire doit être cultivée à tout prix, quoi qu’elle en ait et quoi qu’il en coûte, — que le pouvoir politique du citoyen doit être proportionné à son intelligence, nul quand elle est nulle, montant avec elle, mesuré à ses développemens et à ses preuves.

J’effleure, j’indique à tout hasard; mais, s’il n’y a rien qui vaille dans ces esquisses de solution, toujours est-il que les élémens de solution sont là, uniquement là. Il ne sert à rien de considérer l’homme en lui-même, isolément et abstractivement, encore moins d’étudier chacune de ses facultés prise à part. Il faut voir au contraire quelle est la proportion de ces principes, bons ou mauvais, et ce que devient ce rapport dans l’homme social et successif, tel qu’il se déploie, s’améliore et même se déprave à travers les siècles. Ce point de vue est digne de toute votre sagacité, et s’impose absolument à la bonne foi de vos travaux. Ou vous interrogerez l’histoire, ce dont jusqu’ici vous n’avez eu garde, ou, interrogeant l’homme tout seul, vous aurez pour unique réponse que le despotisme est nécessaire contre cette malfaisance organique, contre cet égoïsme inné et prépondérant. Le catholicisme, avec son dogme de l’humanité déchue, ne dit pas autre chose, et vous allez nécessairement conclure de même, si vous la tenez pour égoïste, ce qui paraît synonyme de méchante. Il est évident qu’à méchanceté survenue ou à méchanceté naturelle le même régime est applicable. Ici l’observation historique est la vraie lumière où paraissent les lois qui conviennent à une société. Tout s’éclaire dès que l’on envisage l’homme dans son dernier état, dès que l’on considère en lui l’élève, la créature des civilisations passées. Qu’est-ce que le fond humain, le naturel de l’individu, sous cet immense façonnement qui le saisit à sa naissance, qui l’étreint jusqu’au tombeau, qui ne le lâche pas un instant? L’inné devient ce qu’il peut sous le poids de cet acquis, de ce capital accumulé pendant des siècles, qui attend l’homme pour l’enrichir, dans la famille, dans la profession, dans la patrie. Tout demeure obscur au contraire, si l’on ne considère que les