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damnant ces très funestes mouvemens, se vantant d’enseigner et d’inculquer l’obéissance aux princes en toute chose qui n’est pas contraire aux lois de Dieu et de son église. » Comme s’il n’était au monde que le grief religieux, et parmi les religions que le catholicisme !

Ainsi on détruit sous vos yeux un peuple qui a pour lui les traités et l’histoire, on le déracine du territoire où il a vécu de longs siècles indépendant, glorieux même, quelquefois utile à la chrétienté, l’église ne saurait dire le contraire, et quand ce peuple se récrie, se redresse, quand il se souvient de lui-même et prétend vivre, quand il n’est pas de tribune ou de chancellerie qui ne proteste en sa faveur, l’église trouve ce peuple imprudent, égaré ! Si l’Europe a bien ou mal fait de ne pas s’allumer pour la Pologne, c’est une tout autre question. Les cabinets ont pu regarder le droit polonais comme le plus fondé en titres et le plus dépourvu de chances qui ait jamais existé : ce défaut de chances est une considération qui a pu frapper les hommes d’état, préposés qu’ils sont à l’utile, gardiens nés des intérêts, c’est-à-dire du sang et de l’argent des peuples; mais le droit est ce qui devait toucher l’église, ce droit violé par des dynasties qui en rougirent sous leur fard.

On peut se demander pourquoi l’église montre une telle antipathie au monde moderne, elle qui s’était adaptée au monde romain, au monde féodal, et même plus tard au monde de la monarchie administrative. C’est qu’il y a dans la société moderne deux choses dont l’église ne peut prendre son parti : le droit et la vie, pas moins que cela. — Comment admettrait-elle les droits humains, quand sous cette invocation on va lui demander tout d’abord la liberté des cultes? Elle ne peut pas même accorder la liberté de conscience ! Quand on se tient pour la vérité même, on ne peut souffrir l’erreur à côté de soi; on a un devoir précis d’intolérance et de prosélytisme; on ne peut supporter ce que supportent aujourd’hui les communions protestantes, en Angleterre du moins, où le catholicisme, au lieu d’être persécuté comme autrefois, est enseigné dans des séminaires entretenus par l’état. On me citera des catholiques fort libéraux; je les reconnais pour tels et les honore tout le premier. Toutefois, comme ils font profession d’être soumis à une autorité qui interprète tout autrement l’essence du catholicisme, et cette autorité, comme ils la tiennent pour infaillible, j’admettrais volontiers quelque perplexité de leur part. Qui croiront-ils ici, leur conscience, qui parle droit et honneur des peuples, ou l’église, qui leur tient à peu près ce langage : L’homme, créature déchue et corrompue, ne peut composer des sociétés capables de se gouverner elles-mêmes? Chimère que le pouvoir des peuples sur eux-mêmes! Ne touchez à rien de la cité, laissez à leur place les pouvoirs qui ont