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des capitaux-marchandises, où il ne trouverait pas assez de crédit, il va d’abord au marché de l’argent, un money-market, où il emprunte du numéraire. Et en effet c’est généralement sous forme de monnaie, métal ou billets, que les avances se font. Si le numéraire est abondant, l’emprunteur trouvera beaucoup de gens disposés à lui en prêter, et à un taux peu élevé. La quantité des capitaux-marchandises est indépendante de la quantité du numéraire et n’en tient point lieu. On voit très souvent qu’en moins de quinze jours les emprunteurs ont deux fois plus de peine à se faire accorder des avances, quoique la masse des capitaux-marchandises n’ait pas diminué : seulement le money-market est mal fourni. Les pièces d’or et d’argent ou leurs substituts, — les billets, — sont semblables à de petits véhicules qui servent à transporter les produits des mains de leurs détenteurs dans celles des entrepreneurs d’industrie. Pour autant qu’on n’ait pas appris à se servir de véhicules en papier, ceux en or et en argent sont indispensables. Il faut donc que les entrepreneurs s’en procurent à tout prix ; sinon, ils ne pourront commencer leurs travaux. C’est pour cela qu’ils se transportent au marché des véhicules d’or, afin d’en louer, et qu’ils se réjouissent quand des navires arrivant de Californie ou d’Australie en apportent des cargaisons, car, si ces petits wagons sont rares, ils devront payer très cher la faculté d’en faire usage, et s’ils sont abondans, ils pourront les louer à bas prix. Le money-market est donc le marché où se louent les véhicules de l’échange, et plus il s’en présente, moindre sera cette indemnité, appelée intérêt, qu’il faudra payer pour avoir la faculté de s’en servir. Une fois pourvu de ses moyens d’échange, qu’on lui loue plus ou moins cher, l’entrepreneur d’industrie, l’emprunteur se transporte sur le marché des capitaux-marchandises. Alors, si ceux-ci sont abondans, il les obtient à des prix avantageux ; s’ils sont rares, il les paie cher. Donc, pour que la situation soit tout à fait bonne, il faut que le marché de la monnaie et celui des denrées soient tous les deux bien pourvus. Ce que l’on vient de dire des emprunts s’applique aussi aux entreprises de chemins de fer, dont les versemens exigibles ont aggravé les crises de 1847 et 1857. Ce qui manquait alors, ce n’était pas le fer et les denrées, comme on l’a prétendu, c’était le numéraire, car les versemens mensuels devaient se faire non en maisons, en terres, en fer, en coton et autres capitaux, mais bien en monnaie. Or la monnaie était rare, et pour s’en procurer il fallait réaliser à tout prix et subir ainsi des pertes énormes.

Il est donc très désirable, on le voit, que les canaux de la circulation soient largement fournis de cet équivalent universel qui sert d’intermédiaire, ou qu’en d’autres termes l’argent soit abondant sur le money-market. Tel est le fait constaté par tous les hommes d’affaires,