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de la manière la plus éclatante ce que nous enseigne l’expérience journalière : toutes ont été provoquées par l’exportation du numéraire et accompagnées de la diminution de la réserve métallique des banques ; toutes ont cessé avec le reflux de l’or soit vers les coffres des banques, soit directement dans les canaux de la circulation. En 1810, l’encaisse tombe en Angleterre à 3 millions, en 1825 à 1 million, en 1836 à 3 millions, en 1839 à 2, en 1845 à 8 et en 1857 à 6 millions. En 1810, l’or s’était écoulé pour payer des subsides aux armées alliées, en 1825 pour faire face aux emprunts et à l’exploitation des mines de l’Amérique espagnole, en 1836 et 1839 pour satisfaire aux besoins monétaires du continent et des États-Unis, en 1847 pour payer les importations de denrées alimentaires, en 1857 pour remplir les vides créés par la crise sur le marché de New-York. Pendant la même année, le naufrage du galion californien le Central-America détermine l’explosion finale à New-York, et l’arrivée du convoi chargé de l’argent autrichien met un terme aux désastres à Hambourg. En présence de tant de faits tous incontestables, tous concordans, il est impossible de ne pas concevoir quelques doutes sur la complète exactitude des axiomes économiques au sujet de la monnaie.

Cette contradiction entre la théorie et les faits est une grave difficulté, car, si l’on ne parvient pas à la résoudre, il faut renoncer à jamais rien comprendre aux problèmes de la circulation. Il est donc indispensable d’élucider, par une analyse sévère, cette question fondamentale, d’où dépend la solution des difficultés qui se rattachent à la gestion des banques, à l’émission des billets et aux crises. Il faut voir qui en définitive a raison, des hommes d’affaires qui ont les yeux obstinément fixés sur les fluctuations du money-market, ou des hommes de théorie suivant imperturbablement les déductions des principes abstraits. Entre la théorie et la pratique, on l’a dit avec raison, il ne peut y avoir de conflit réel. Si la théorie n’embrasse pas tous les faits, c’est qu’elle est incomplète. Quelques rectifications sont donc ici nécessaires, et on voudra bien nous permettre de les exposer, car sans elles il serait impossible de bien apprécier la valeur des remèdes indiqués pour prévenir les ravages causés par les crises.

D’abord il n’est pas exact de dire, comme on l’a trop répété depuis Turgot par réaction contre l’école mercantile, que la monnaie est une marchandise comme une autre. Cette proposition n’est vraie que si l’on considère le métal dont la monnaie est faite ; mais en tant qu’intermédiaire des échanges, elle a des caractères particulier qui la distinguent nettement de toutes les autres marchandises. Si-le fer et le coton sont rares, ceux qui en ont besoin souffrent, mais cette rareté n’agit pas sur le prix des autres produits.