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on l’a vu en 1825, 1847 et 1857. Tous ceux qui, pour remplir leurs engagemens, comptaient sur le secours du crédit sont maintenant obligés, afin de se procurer la seule chose qui puisse les libérer, de l’or ou des billets de banque, de vendre à perte leurs actions, leurs marchandises, leurs titres de toute nature. Celui qui a de l’argent comptant est le maître du marché, car il tient ce que tout le monde désire, ce qui est rare et cher. Quand les réalisations forcées se font sur une grande échelle, elles dépriment tous les prix, d’où résultent des revers, des faillites, une suite de pertes retombant des uns sur les autres. La tourmente dure jusqu’à ce que l’or et la confiance reparaissent, remettant en mouvement le mécanisme si compliqué et si délicat de l’échange.

D’après cette analyse exacte des faits les mieux constatés, il est facile de se convaincre que les crises résultent d’un dérangement dans la balance du commerce extérieur, agissant sur un marché où il est très largement fait usage du crédit et très peu du numéraire. Tout pays qui fera de grandes affaires avec peu d’argent, et qui aura un vaste mouvement d’importations et d’exportations, sera exposé à ces perturbations économiques. C’est pourquoi nul n’en a plus souffert que l’Angleterre d’abord, l’Amérique ensuite. La France s’en est beaucoup moins ressentie, parce que jusqu’à présent elle faisait un usage restreint du crédit et qu’elle possédait une puissante circulation métallique ; mais depuis ces dernières années elle commence à éprouver les contre-coups des troubles du money-market, parce que sa circulation fiduciaire et son commerce extérieur ont à peu près doublé. Les pays du midi en ont été tout à fait préservés parce que relativement le commerce extérieur y était peu important et l’emploi du crédit presque nul. Hambourg, quoique ayant repoussé le billet de banque, a passé par de terribles épreuves, parce que son commerce extérieur est énorme, et que presque toutes ses opérations sont à terme. Plus un pays expulsera des canaux de la circulation les métaux précieux en les remplaçant par des instrumens de crédit, billets de banque, chèques, warrants, viremens de parties et chambres de liquidation (clearing-houses), plus en même temps il développera ses relations avec les nations étrangères, plus aussi il sera exposé au retour périodique des perturbations financières, car plus facilement une balance et un change défavorables ébranleront tout le mécanisme de l’échange, à moins que pour y parer on ne redouble de circonspection, de prudence et d’habileté dans la direction des établissemens de crédit.

Mais, ne manqueront pas d’objecter quelques économistes, expliquer ainsi les crises, c’est ressusciter les creuses chimères de l’école mercantile, la fameuse balance du commerce et la confusion du numéraire avec le capital, deux erreurs cent fois déjà réfutées ! Les