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toutes les industries, toutes les valeurs, toutes les transactions. Elle peut tout au plus rendre compte de ces difficultés momentanées qui se produisent parfois dans certaines branches d’industrie auxquelles on a imprimé un élan désordonné. Les économistes s’accordent à ne pas admettre un excès général de production, parce que, dans ce cas, tous les produits s’échangeraient, comme avant, les uns contre les autres, avec cette différence que chacun en aurait davantage. Il ne peut donc y avoir surabondance que sur un ou deux points du marché. A-t-on fabriqué trop de coton, trop de fer, trop de soieries, ces industries subiront des pertes ; mais il est impossible que ces fausses opérations épuisent l’encaisse des banques, tuent le crédit et portent le trouble dans tout le mécanisme de la circulation. Il est trop évident, pour qui les a étudiées, que ni la crise de 1847, ni surtout celle de 1857, qui a ébranlé les deux hémisphères, ne peuvent être attribuées à un glut, à un encombrement de marchandises, c’est-à-dire à l’activité exagérée de telle ou telle industrie.

Lorsqu’après avoir examiné les vues parfois ingénieuses des économistes du continent, on aborde l’étude des écrits publiés en Angleterre sur la même question, on s’aperçoit aussitôt qu’ici on a vu de près et souvent la marche du terrible phénomène. On sait comment il naît, comment il se développe ; les faits sont bien constatés et généralement connus. Nul n’hésite à voir dans les crises ce qu’elles sont réellement, un dérangement profond du mécanisme de l’échange. La fuite de l’or, la raréfaction de l’agent métallique de la circulation, nécessairement accompagnées d’une contraction correspondante du crédit, telle est, personne ne le conteste, la cause déterminante, immédiate du mal ; mais d’où provient le trouble de la circulation ? pourquoi, à certains momens, l’agent des échanges fait-il défaut au point d’entraver subitement le mouvement général des affaires, et surtout comment empêcher le retour de ces désastreuses perturbations ? Sur ce point, l’accord cesse et les avis se divisent. Nous exposerons d’abord la manière de voir de Robert Peel et des autres promoteurs de l’act de 1844. D’après eux, l’origine première de toutes les crises résidait dans l’émission exagérée des billets de banque. Le prix de toutes les choses, disaient-ils, dépend du rapport qui existe entre la masse des échanges qu’il faut accomplir et la quantité d’instrumens de la circulation (currenry), or ou papier, qui peuvent servir à les opérer. Réduisez cette quantité, et les prix baissent ; augmentez-la, et les prix haussent. C’est là un principe élémentaire incontestable. Or les banques peuvent, dans d’assez larges limites et en très peu de temps, étendre l’agent de la circulation par l’émission de leurs billets, et amener ainsi une