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est réuni, et M. Lincoln lui a adressé son message annuel. Ce document, suivant l’usage, est encombré de détails. Ce qui nous y a frappés de préférence, c’est le passage qui concerne les rapports de l’Union américaine avec les gouvernemens étrangers. M. Lincoln s’y applaudit, avec une sincérité qui nous paraît être d’un bon augure pour l’avenir, de la bonne fortune qu’a eue l’Amérique de n’avoir vu ses difficultés intérieures compliquées par aucun conflit extérieur. On avait cru que le message ferait allusion à quelque ouverture de négociation vis-à-vis des états insurgés. Les états du nord n’auraient point, selon nous, diminué leur position morale et leur force effective, s’ils eussent, après la grande manifestation de l’élection présidentielle, ouvert une voie de retour aux états du sud. Ils n’eussent rien compromis par cette démarche, et, comme il est probable que cette avance eût échoué devant l’obstination des chefs du sud, tout le bénéfice moral en fût demeuré au gouvernement de l’Union. — Il est possible que la façon dont les opérations militaires étaient engagées dès le commencement de novembre ait empêché les ouvertures pacifiques. Il ne semble pas en effet qu’il fût opportun d’entamer des pourparlers au moment où Sherman se lançait à corps perdu dans la Géorgie. L’habile et énergique capitaine paraît aujourd’hui avoir mené à bonne fin sa belle entreprise. C’est un curieux caractère que ce Sherman. Officier de West-Point, il avait quitté le service, et il dirigeait en Californie avec un très grand succès une maison de banque lorsque la guerre civile vint à éclater. Il abandonna sur-le-champ ses affaires, rentra au service et se fit dans la guerre la grande position qu’il a aujourd’hui. Il vient de traverser, après avoir rompu sa base d’opération, sur un espace de 480 kilomètres, la Géorgie entière, un des états les plus peuplés et les plus riches du sud. Il n’a rencontré aucun obstacle sérieux, ravitaillant son armée à son aise, montrant au monde la fragilité intérieure de la confédération, et il a relié sans lutte ses communications avec la mer. Il a achevé son expédition plus facilement et plus rapidement encore qu’il ne l’avait espéré à l’origine. Il écrivait, en partant d’Atlanta, un billet de quatre lignes pour faire savoir à l’amiral Porter qu’il partait pour l’eau salée, qu’il arriverait au point par lequel il a effectivement rejoint la côte, et qu’il priait l’amiral de surveiller ce point-là vers la Noël. Il a atteint douze jours plus tôt le lieu du rendez-vous. Cette expédition aura une influence infaillible sur la dissolution de la confédération du sud, dont elle a disloqué toutes les voies de communication. Elle enlèvera aux confédérés leur dernier port, Savannah, dont Sherman ne peut tarder à s’emparer. Déjà trop faible pour soutenir la lutte dans le Tennessee, on ne comprend pas comment la confédération pourra opposer une armée à Sherman dans l’est de la Géorgie et dans la Caroline du sud. Ce dernier état, qui va être plus directement menacé, proteste cependant avec opiniâtreté contre l’armement des noirs. Le congrès de la Caroline du nord au contraire vient de voter une résolution favorable à la paix, signe irrécusable de lassitude et de découragement. Cette résolution doit être