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teurs dramatiques ce, jovial président de la cour de Rouen ; tout est relatif en politique, et c’est ce qui rend si intéressante l’étude des législations comparées. La nouvelle loi turque est-elle plus sévère ou moins sévère que la loi française ? Voilà la question, voilà l’énigme que le télégramme de Constantinople nous propose ; voilà le futur parallèle que nous recommandons à l’attention des journaux français. Nous attendons en conséquence le texte de la nouvelle loi turque avec une impatience qui sera trouvée légitime, et pour aujourd’hui nous n’avons plus un mot à dire.

Ainsi que nous l’avons soutenu à plusieurs reprises, la liberté de discussion en politique est à notre époque non le vœu spéculatif de quelques esprits abstraits, mais un besoin social des plus pressans, une des conditions du développement de ces grands et vivaces intérêts économiques qui tendent de plus en plus à se confondre avec la vie politique quotidienne des sociétés modernes. Pour que la presse se place au niveau des importantes questions de cet ordre, il faut qu’elle retrouve dans une mâle liberté le respect d’elle-même, la confiance en soi, l’émulation et là vigueur avec lesquelles seules elle peut dignement et utilement remplir l’œuvre à laquelle elle est appelée. Parmi les discussions de cette nature qui font comprendre la nécessité d’une presse forte et saine, se place celle que M. Isaac Pereire vient d’engager avec éclat par une brochure sur la Banque de France et l’organisation du crédit en France. Nous n’avons pas la pensée de relever à cette place le gant que M. Isaac Pereire vient de jeter à l’école économique à laquelle nous appartenons en matière de crédit et de circulation. Nous devons cependant essayer d’indiquer en quoi consisté la gravité du débat.

Avant tout, nous louerons M. Isaac Pereire d’être entré personnellement en lice avec la vigueur et l’intérêt dramatique pour ainsi dire d’un homme qui ne plaide pas seulement pour un système, mais qui lutte pour sa propre cause. Quand un pareil athlète se présente au combat visière levée, on perd moins de temps dans les alentours des questions ; on va droit au fait, et la polémique marche plus rapidement aux solutions. Cette réserve posée en faveur de l’intervention directe et résolue de M. Pereire dans le débat des questions de crédit, nous ferons une déclaration très nette : les idées de M. Pereire et de son école et celles des économistes dont s’inspire la conduite des banques de France et d’Angleterre sont aussi diamétralement contraires et aussi irréconciliables que peuvent l’être en astronomie le système de Ptolémée et le système de Copernic. Il est donc absolument nécessaire, dans l’Intérêt de l’éducation du public et de la sécurité générale des affaires, que l’un des deux systèmes sorte de cette lutte à jamais confondu et détruit.

M. Pereire a mêlé, dans sa critique de la direction des banques telle qu’elle s’est établie en France et en Angleterre après des discussions et une expérience pratique qui ont duré un demi-siècle, beaucoup de questions