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ouvrage, réduits à vivre de l’aumône publique, se jetèrent sur les usines et brisèrent les machines, qu’ils accusaient d’avoir causé tout le mal en inondant les marchés de produits surabondans. Dans presque tous les comtés, il y eut des désordres, des émeutes, des luttes à main armée.

La crise dura encore tout le mois de janvier 1826, perdant toutefois chaque jour de sa violence. Les faillites furent encore nombreuses ; , mais quand on apprit que l’or commençait à refluer vers les caisses de la Banque, un rayon d’espoir releva les courages abattus. Le gouvernement autorisa la Banque à faire des avances sur marchandises jusqu’à concurrence de trois millions de livres sterling. L’annonce seule de la faculté offerte aux négocians de se procurer des ressources suffit pour faire renaître la confiance et pour rendre la mesure à peu près inutile, car les prêts ne dépassèrent point 400,000 livres sterling. Quand cette violente tourmente eut nettoyé le monde commercial des élémens impurs que l’excès du crédit et de la spéculation y avait accumulés, le ciel s’éclaircit peu à peu. On entendait bien encore de temps à autre le craquement sinistre d’une banqueroute retardée à force d’efforts et de sacrifices, mais c’étaient comme les derniers grondemens d’un orage qui s’éloigne et que suivra bientôt le retour du beau temps. Vers la fin de l’année 1826, le commerce et l’industrie avaient déjà replis le train ordinaire de leurs affaires. La réserve métallique de la Banque d’Angleterre dépassant 7 millions, l’escompte fut réduit à 4 pour 100. Dès le mois de janvier, le parlement s’était occupé des causes de la crise, et le comité d’investigation qu’elle nomma l’attribua en grande partie aux émissions exagérées des banques provinciales dans un moment où il aurait fallu les restreindre, afin de modérer la fièvre de la spéculation et arrêter la fuite de l’or. Pour éviter autant que possible le retour d’une semblable calamité, et surtout pour y soustraire les classes moyennes et inférieures, on interdit, sauf pour l’Ecosse, la circulation des billets de moins de 5 livres.

Pendant la même année, la place de New-York avait subi une convulsion analogue à celle qui avait causé tant de ravages en Angleterre. Au printemps, l’argent était abondant, le crédit illimité, par suite essor des entreprises nouvelles, immenses achats de marchandises par spéculation, de coton principalement. Au mois de juillet, l’argent disparaît. Le niveau métallique s’abaisse outre mesure dans les caisses des banques, l’instrument des échanges se raréfie, et le crédit se contracte. Tous les prix tombent, l’escompte s’élève à 30, à 36 pour 100. Au mois d’août commencent les faillites, qui se succèdent jusqu’à liquidation complète des opérations mal engagées et des maisons trop peu solides pour résister à l’épreuve.