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de ses marbres, avec le scintillement fauve de ses tuiles de bronze, de ses poutres de bronze, du bas-relief de bronze qui ornait son fronton, tel enfin qu’il était lorsqu’Agrippa, après l’établissement de la paix universelle, le dédia à tous les dieux, on se figure avec admiration le triomphe d’Auguste qui s’achevait par cette fête, la réconciliation de l’univers soumis, la splendeur de l’empire achevé, et l’on entend la mélopée solennelle des vers où Virgile célèbre la gloire de ce grand jour. « Porté par un triple triomphe dans les murs de Rome, Auguste consacrait aux dieux italiens un vœu immortel, trois cents grands temples par toute la ville. Les rues frémissaient de la joie, des jeux, des applaudissemens de tout un peuple. Dans les temples des chœurs de femmes, dans tous des autels ; devant les autels, des taureaux immolés jonchaient la terre. Lui-même, assis sur le seuil de marbre de l’éclatant Phœbus, passe en revue les dons des peuples et les attache aux colonnes superbes ; les nations vaincues s’avancent en long ordre, aussi diverses d’armes et d’esprit que de langage : Nomades, Africains aux robes pendantes, Léléges, Gares, les Gelons armés de flèches, les Morins, les plus lointains des hommes, les Daces indomptés. L’Euphrate coule docile, et l’Araxe frémit sous le pont qui l’a vaincu. »

On entre dans le temple, sous la haute coupole qui s’évase en tous sens comme un ciel intérieur ; la lumière tombe magnifiquement, d’une grande chute, par l’unique ouverture de la cime, et, près de cette vive clarté, des ombres froides, des poussières transparentes, rampent lentement le long des courbures. Tout alentour, les chapelles des anciens dieux, chacune entre ses colonnes, se rangent en cercle en suivant la muraille ; l’énormité de la rotonde les rapetisse encore ; ils virent ainsi réunis et amoindris sous l’hospitalité et la majesté du peuple romain, seule divinité qui subsiste dans l’univers conquis. Telle est l’impression que laisse cette architecture : elle n’est pas simple comme un temple grec, elle ne correspond pas à un sentiment primitif comme la religion grecque ; elle indique une civilisation avancée, un art calculé, une réflexion savante. Elle aspire au grandiose, elle veut exciter l’étonnement et l’admiration ; elle fait partie d’un gouvernement, elle complète un spectacle ; elle est une décoration dans une fête, mais cette fête est celle de l’empire romain.

On longe le Forum, ses trois arcs de triomphe, les grandes voûtes de ses basiliques ruinées, l’énorme Colisée. Il y en avait trois ou quatre autres : l’un d’eux, le Circus maximus, contenait quatre cent mille spectateurs. Dans un combat naval sous Claude, dix-neuf mille gladiateurs combattirent ; un triton d’argent sorti du lac avait donné le signal avec son clairon. Tel théâtre contenait vingt mille personnes. C’est parmi ces idées qu’on arrive aux Thermes de Caracalla,