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L'ITALIE
ET LA VIE ITALIENNE
SOUVENIRS DE VOYAGE

II.
LE MONT-CASSIN. — ROME, LES ANTIQUES. — RAPHAËL.


2 mars 1864, de Naples à San-Germano et à Rome.

Jusqu’à Capoue, la campagne est un jardin[1]. Une récolte verte, fraîche comme en mai, couvre la plaine ; de quinze en quinze pieds, un orme ébranché soutient une vigne tortueuse qui pousse un sarment jusqu’à l’autre tronc ; tout le champ fait ainsi une large treille. Au-dessus de ce treillis brun des vignes, au-dessus des rameaux blanchâtres des ormes, les pins-parasols, comme une race étrangère et supérieure, élèvent tranquillement leur coupole noire.

Le Vulturne est une médiocre rivière jaunâtre, et Capoue une ville moins qu’ordinaire ; mais cette campagne est si riche ! Le sol végétal a parfois la hauteur d’un homme, et l’air est si doux qu’on laisse ouvertes toutes les fenêtres du wagon. On pense aux anciens Samnites en regardant l’âpre amas de montagnes qui montent derrière la ville. Comment ces loups des gorges et des hauteurs ne seraient-ils pas tombés sur la proie de la plaine ? Une pareille ville était une curée. On pense encore aux paroles de Tite-Live, à cette grande scène d’emphase et de sincérité méridionale où les députés, prosternés dans le vestibule de la curie, supplians, les yeux pleins

  1. Voyez, pour la première partie, la Revue du 15 décembre 1864.