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l’oraison funèbre de la question polonaise, oraison pompeuse, il est vrai, comme tout chef-d’œuvre de ce genre ; mais ces splendeurs, d’éloquence n’en étaient pas moins déployées devant un cercueil. Ce n’est pas que le gouvernement français ait cru dès ce moment ne devoir plus rien tenter pour cette cause ; il espéra encore longtemps, il fit des tentatives diverses pendant tout l’hiver, il ne se lassa pas d’attendre un incident favorable, et les Polonais le savaient pour leur malheur. Plût à Dieu que l’arrêt eût été prononcé dès ce temps d’une manière formelle ! Plût à Dieu que l’état de siège eût été proclamé en Galicie dès le mois d’octobre ! La Pologne n’aurait pas saigné dans l’attente du printemps, pendant tout cet hiver de 1863 à 1864, cet hiver terrible qui a consommé sa ruine sociale.

L’Europe méditait encore les graves paroles qu’elle venait d’entendre, les cabinets se concertaient sur la réponse qu’ils devaient faire, quand le roi Frédéric VII de Danemark mourait subitement dans son château de Glücksbourg (15 novembre 1863). Le hasard servait singulièrement M. de Bismark. En même temps que la proposition de congrès rendait facile, presque inévitable, le rétablissement de cette alliance du Nord qu’il avait rêvée depuis si longtemps, la mort du roi Frédéric ouvrait les perspectives d’une guerre de succession ; l’ère de fer et de sang était donc arrivée ! Reconstituer l’alliance du Nord, amener l’Autriche à proclamer l’état de siège en Galicie, obtenir pour ce prix le consentement tacite de la Russie à tout ce qui serait entrepris sur l’Eider, et, sûr du profond désaccord entre la France et l’Angleterre, procéder résolument à la spoliation du Danemark, tel fut le plan simple et hardi que conçut à l’instant le ministre du roi Guillaume Ier. Il l’exécuta avec une audace sans exemple et un bonheur qui jusqu’ici ne s’est point encore démenti.


JULIAN KLACZKO.