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des opérations maritimes qui ne sauraient qu’être défavorables à l’Allemagne. » Chose curieuse, l’hiver était un auxiliaire non moins précieux pour le prince Gortchakov dans sa campagne polonaise que pour M. de Bismark dans son équipée danoise, et le 1er octobre la diète de Francfort votait effectivement l’exécution fédérale dans le Slesvig-Holstein. Entre un vote du Bund pourtant et une action véritable de la part de ses divers gouvernemens, la distance est habituellement assez grande encore dans la Germanie une et divisible. Et qu’auraient pu du reste tous les votes de Francfort contre une volonté fermement exprimée par les deux grandes puissances de l’Occident ? Il est vrai qu’ayant invité, quinze jours avant cette décision de Francfort, le gouvernement français à faire en commun des représentations aux cours allemandes au sujet du Danemark, lord Russell n’avait reçu qu’une réponse peu accueillante. « M. Drouyn de Lhuys me dit, — mandait au principal secrétaire d’état son chargé d’affaires à Paris, M. Grey, sous la date du 18 septembre, — que le mode de procédé suggéré par votre seigneurie serait analogue à la marche suivie par la Grande-Bretagne et la France dans la question polonaise. Il n’avait aucune inclination (et il avoua franchement qu’il parlerait dans ce sens à l’empereur) à placer la France vis-à-vis de l’Allemagne dans la position où elle avait été placée vis-à-vis de la Russie. Les notes formelles des trois puissances à la Russie n’avaient eu aucun résultat, et la situation de ces trois puissances n’était rien moins que digne. Si l’Angleterre et la France adressaient à l’Autriche, à la Prusse et à la confédération germanique le mémorandum proposé par votre seigneurie, il fallait qu’elles fussent prêtes à aller plus loin et à adopter une ligne de conduite plus conforme à la dignité des deux grandes puissances que celle qu’elles tenaient en ce moment dans la question polonaise. À moins que le gouvernement de sa majesté ne fût décidé à faire quelque chose de plus, si c’était nécessaire, que de présenter une simple note et de se contenter d’une réponse évasive, il était sûr que l’empereur ne consentirait point à adopter la suggestion de votre seigneurie… » Certes ce langage du ministre français se ressentait des amertumes causées par l’Angleterre dans les négociations au sujet de la Pologne. Remarquons toutefois qu’il ne repoussait nullement la pensée d’une action commune en faveur du Danemark. La France n’avait pas encore à ce moment les singuliers scrupules que devait lui suggérer plus tard le dépit produit par l’avortement de sa proposition de congrès ; elle ne s’était pas encore avisée d’une « lutte du droit ancien et du droit nouveau » dans la cause du Slesvig-Holstein. Au milieu de ce mois de septembre 1863, la France se refusait seulement, et avec raison