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demander un mot d’ordre, qui se fait presque toujours attendre, et que parfois jusqu’au dernier moment ils ne savent pas même quelle composition, quel sujet de concours on va donner à leurs élèves ; si quelqu’un, disons-nous, faisait un tel récit, nous aurions peine à n’y pas croire, tant il justifierait nos prévisions, et, s’il fallait encore interroger l’avenir, nous dirions hardiment que cette confusion, ce désordre, tant que subsistera la cause, ne feront que grandir et s’accroître toujours.


III

A-t-on du moins, tout en bouleversant le régime intérieur de l’école, procédé avec quelque prudence à l’égard de l’enseignement ? S’est-on donné le temps de consulter l’expérience, de faire des essais pratiques ? Quelque chose est-il resté debout ? — Non, il fallait d’un seul coup tout renverser, tout reconstruire, et le décret a mis à neuf aussi bien l’enseignement que le gouvernement de l’école, aussi bien les devoirs des élèves que les droits des professeurs.

Il est vrai que deux mois plus tard, dès le 16 janvier, malgré le Moniteur du 28 décembre et la note portant que rien ne serait changé ni à l’esprit ni à la lettre du décret, ce même Moniteur insérait, sans commentaire, un règlement rendu par M. le ministre de la maison de l’empereur, règlement dont tous les articles donnaient aux innovations de novembre les plus étranges démentis. Pour juger de la contradiction, il. faut se rappeler que le préambule du décret, le rapport de M. le surintendant des beaux-arts, signalait comme une des routines les plus pernicieuses de l’ancien mode d’enseignement le système des concours préparatoires, c’est-à-dire la série d’épreuves que les élèves devaient successivement subir pour justifier de leur aptitude à concourir aux grands prix. Le rapport n’avait pas de termes assez dédaigneux pour caractériser ces exercices, obstacle principal, selon lui, au développement de l’originalité personnelle, ce but idéal du décret. Perte de temps, servilité d’esprit, banalité d’idées, toutes les plaies de l’art en un mot, ces malheureux concours préparatoires en avaient affligé l’école. Aussi dans l’énumération finale du rapport de M. le surintendant étaient inscrits ces mots : suppression des concours préparatoires. Eh bien ! le règlement du 16 janvier ne se contente pas de rétablir dans la section de peinture et de sculpture la plupart des anciens exercices, et les médailles, les classes hiérarchiques, les brevets gradués qui en étaient la conséquence ; il va plus loin : dans