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le nombre des ouvriers attachés à l’industrie minière décroîtrait bien plus encore, et l’on doit s’attendre à ce que cette diminution graduelle continuera, parce que les chances de telles découvertes deviennent d’autant moindres que le pays est mieux connu.

Si maintenant l’on considère le chiffre des produits, on reconnaît que la décroissance est encore bien plus marquée. De 300 millions de francs qu’il a atteint en 1856, époque du plus excessif engouement pour les mines d’or, il est descendu en 1863 à 160 millions environ. Quant au produit moyen annuel par mineur[1], de 6,000 francs qu’il était en 1852, au début de l’exploitation des alluvions superficielles, il est descendu à 1,800 francs environ, c’est-à-dire qu’il est à peine équivalent à ce que rapportent les travaux moins pénibles des diverses professions manuelles dans une contrée où les artisans un peu habiles reçoivent un salaire quotidien de 12 à 15 francs. Cet abaissement graduel des produits tient, non pas à un avilissement des prix, puisque l’or a perdu à peine de sa valeur depuis dix ans, mais à l’épuisement des terrains aurifères les mieux fournis. Sans l’adjonction des machines et les perfectionnemens des méthodes d’exploitation, les résultats actuels seraient moindres encore. Il faut considérer en effet que le matériel des mineurs, qui ne se composait en 1852 que de quelques outils et de quelques cribles d’une valeur insignifiante vaut à cette heure près de 40 millions de francs. Compte fait des nombreuses machines à vapeur qui fonctionnent aujourd’hui sur les diggings, le travail consacré à l’extraction de l’or est plus considérable qu’il n’était il y a dix ans, quoique le nombre des ouvriers soit moindre et le produit obtenu inférieur. La substitution des machines au travail humain est ici comme ailleurs une condition de progrès, avec cette différence, au désavantage des mines d’or comparées à d’autres industries, que le produit relatif et absolu suit une progression descendante, parce que les mines les plus riches ont été exploitées d’abord[2].

On s’est souvent demandé si la découverte récente de tant de pays à mines d’or ne produira pas une révolution économique dans

  1. Il est à peine besoin d’observer que ce produit moyen n’est qu’une façon d’envisager les résultats de l’industrie minière. En réalité, les gains se répartissent très inégalement, presque nuls pour les ouvriers malheureux dans leurs recherches, très élevés pour ceux qui découvrent une bonne veine. Lorsqu’on est obligé de traduire par des moyennes, afin de les rendre plus sensibles, certains résultats économiques ou scientifiques, il importe de se bien mettre en garde contre une interprétation trop littérale des chiffres.
  2. Voici quelle était au mois d’avril 1863 la situation exacte de l’industrie minière, d’après les rapports des commissaires des mines : terrains d’alluvion, 73,608 ouvriers et agens de toute sorte avec 328 machines à vapeur d’une force totale de 5,417 chevaux, filons quarjzeux, 15,499 ouvriers et 461 machines de 8,157 chevaux de force.