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En outre il y a encore dans chaque district un conseil des mines, élu par les mineurs eux-mêmes au suffrage universel et composé de dix membres, qui édicté les règlemens d’exploitation, détermine les conditions auxquelles les concessions doivent être faites, et décide dans quels cas elles encourent la déchéance. Enfin les principaux négocians ou possesseurs de mines remplissent les fonctions de juges de paix, et des agens de police peu nombreux maintiennent l’ordre extérieur. Tel est le simple appareil au moyen duquel sont régis les six districts miniers, qui comprennent aujourd’hui environ 250,000 habitans, près de la moitié de la population totale de la Victoria. Les villes de la région aurifère, autrefois si turbulentes, peuvent être citées maintenant comme des modèles de calme, d’ordre, et même, dit-on, de sobriété. Nulle part le repos dominical, auquel les Anglais sont si fidèles, n’est observé avec plus de ferveur. Pour revoir les scènes tumultueuses et affligeantes des premiers jours, il faudrait se rendre sur les champs d’or récemment découverts, où affluent subitement les vagabonds de toutes les provinces ; encore n’y retrouverait-on qu’une image bien effacée des disettes, des rixes et des misères opulentes qui ont fait aux cantons aurifères de la Victoria une réputation qu’ils ne méritent plus, et dont ils ont peine à se débarrasser.

Il reste à examiner le résultat économique du travail des mines. Sur ce sujet, les terrains aurifères de la Victoria nous serviront encore de type d’étude, en raison de ce que l’exploitation y est plus ancienne et plus régulière, et que la statistique des produits y est tenue avec plus d’exactitude. Il est remarquable d’abord que le nombre des mineurs va sans cesse en décroissant. De 126,000 en 1859, première année sur laquelle on possède des rapports exacts, ce nombre est tombé à 100,000 en 1861, et n’était plus que de 89,000 en 1863, diminution considérable qui doit être attribuée à plusieurs causes distinctes. Les persécutions individuelles et les prohibitions légales dirigées contre les Chinois ont éloigné plusieurs milliers de ces modestes travailleurs. La découverte plus ou moins réelle et bruyamment annoncée de nouveaux champs d’or d’une richesse excessive a décidé l’émigration d’une foule de mineurs qui ont été chercher des terrains plus féconds dans la Nouvelle-Zélande, dans la Nouvelle-Galles du Sud et la Terre-de-la-Reine. Enfin, le produit moyen de la journée de travail s’étant abaissé, beaucoup d’entre eux ont préféré à ce genre d’occupation les travaux de chemin de fer et d’agriculture, qui donnent un salaire plus régulier et peut-être même plus élevé. N’étaient les gains inespérés que réalisent encore de temps en temps certains mineurs isolés qui ont le bonheur de découvrir un filon très riche, on peut affirmer que