Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/874

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi l’on s’est demandé si les alluvions anciennes qui recouvrent le terrain silurien sont réellement un produit de la désagrégation des filons quartzeux qui percent à travers ce terrain. Le fait est peu probable. Les roches dont il s’agit, étant d’une dureté extrême et ne renfermant jamais que de petites paillettes, n’auraient pu, semble-t-il, fournir des couches de détritus de plusieurs mètres d’épaisseur où l’on rencontre fréquemment des nuggets d’un volume considérable[1]. Il reste encore à savoir si les gisemens s’enrichissent ou s’appauvrissent à mesure qu’on les approfondit. Il est à peu près démontré que les filons quartzeux contiennent plus d’or dans leurs affleuremens que dans leurs parties inférieures. Au contraire les alluvions seraient plus riches au fond qu’à la surface. Cependant le fait n’est pas certain. On doit avouer que la science sert jusqu’ici à peu de chose dans l’exploitation des terrains aurifères, et que l’expérience est tout aussi souvent déroutée. Tomber sur une veine abondante est l’affaire du hasard, qui favorise aussi bien l’ignorant que le savant. Les mineurs n’ont confiance que dans le hasard, et s’embarrassent peu de considérations théoriques qui, à leur avis, ne servent à rien. Où il y a de l’or, disent-ils, on en trouve ; c’est pour eux le résumé de la science.

Les terrains aurifères fourniront-ils pendant longtemps encore des minerais assez riches pour que le travail du mineur soit lucratif ? À ne regarder que la province de Victoria, loin que les champs d’or soient épuisés, on affirme qu’ils sont à peine entamés. Les ingénieurs du gouvernement provincial estiment qu’il y a une surface de 50,000 kilomètres carrés d’où l’on peut extraire l’or, en traitant soit les filons quartzeux, soit les alluvions ; encore ne connaît-on pas tout ce que cette province renferme. Eu égard à la faible étendue (2,000 kilomètres environ) sur laquelle les fouilles ont été concentrées jusqu’à ce jour et d’où l’on n’a pas même encore tiré tout ce qu’elle recèle, on peut juger que les mines de la Victoria seront pendant des centaines d’années aussi productives qu’elles l’ont été depuis treize ans. Cette région n’est pas d’ailleurs la seule qui contienne de pareilles richesses : elle a été la plus féconde jusqu’à

  1. M. Laur, ingénieur français qui a visité, il y a quelques années, les terrains aurifères de la Californie, s’est occupé de cette question théorique à laquelle les géologues anglais ne semblent pas s’être suffisamment arrêtés. Il est vrai qu’en Californie les alluvions qui contiennent l’or sont plus épaisses qu’en Australie ; elles ont quelquefois 80 mètres et plus de puissance, au lieu de 1 à 3 mètres, 10 mètres au plus dans les districts de la Victoria. Cet ingénieur a pensé que l’or pourrait bien avoir été entraîné avec des déjections aqueuses par les fissures, qui, étant vides, donnaient lieu à un écoulement permanent ; ces fissures auraient ensuite été remplies par les roches quartzeuses que nous y voyons aujourd’hui, et qui ont retenu, en se solidifiant, les dernières parcelles du métal. Voyez la Revue du 15 janvier 1863.