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leur culture, l’accompagnement des grandes cérémonies nationales et religieuses. Aux jeux olympiques, les athlètes sont sans vêtemens ; Sophocle, à quinze ans, se dépouille pour entonner le Péan après la victoire de Salamine. Aujourd’hui nous ne faisons des nudités que par pédanterie ou par polissonnerie ; chez eux, c’était pour exprimer leur conception intime et primitive de la nature humaine. Cette glorieuse conception les suit jusque dans leur débauche. Dans les peintures des mauvais lieux, aux lupanars de Pompéi, les corps sont grands, sains, sans fadeur voluptueuse ni mollesse engageante ; l’amour n’y est point une infamie des sens ni une extase de l’âme : c’est une fonction. Entre la brute et le dieu, que le christianisme oppose l’un à l’autre, ils ont trouvé l’homme, qui les concilie l’un avec l’autre. Voilà pourquoi ils le peignaient et surtout le sculptaient. Sans doute, et selon l’instinct superstitieux des gens du midi, ils imploraient les images, comme aujourd’hui leurs descendans implorent les saints. Ils priaient leur Diane, leur Apollon guérisseur ; ils brûlaient devant eux de l’encens, ils leur faisaient des libations, comme on apporte aujourd’hui devant la madone et devant saint Janvier des ex-voto et des cierges. Comme aujourd’hui, ils avaient leurs statuettes sacrées dans l’intérieur des maisons, dans les petits oratoires particuliers : ils répétaient dans leurs statues des attitudes et des attributs consacrés, une Vénus Anadyomène, un Bacchus au repos, comme au XVIe siècle on répétait dans les tableaux sainte Catherine sur la roue, saint Paul tenant son épée ; mais l’effet était tout autre, comme le spectacle était tout autre. Dans le coup d’œil jeté en passant, au lieu d’être frappé par une figure osseuse, par un cœur sanglant, ils sentaient une belle épaule ronde, un dos cambré d’athlète, une puissante poitrine de guerrier, et c’était sur ces images accumulées depuis l’enfance que l’esprit travaillait et se forgeait le modèle de l’homme. Tout cela disait : « Voilà comme tu dois être, comme tu dois te draper ; tâche d’avoir ces muscles qui jouent aisément, cette chair ferme et saine. Baigne-toi, va à la palestre, sois fort en toute occurrence pour le service de ta ville et de tes amis. » Aujourd’hui les œuvres d’art ne peuvent plus nous dire rien de semblable ; nous ne sommes ni nus ni citoyens ; ce qui nous parle, c’est Faust et Werther, ou plutôt encore tel roman parisien d’hier et les Lieder de Heine.

Après quelques conversations.

Au café, en chemin de fer, dans les salons, la politique est maintenant le fond de la langue. Il y a comme un bouillonnement dans les esprits ; la vivacité, l’état d’ardeur, de conviction, sont les mêmes que chez nous en 90. Les journaux, très nombreux, très répandus, à très bas prix, sont du même ton. Voici des exemples.