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libéralisme esthétique dont nous étions dès lors, dont nous sommes toujours les champions dévoués ; nous la trouvions enchaînée à des partis-pris inflexibles ; elle était à nos yeux tyrannique, oppressive, hors d’état de transiger sur rien ; peut-être cédions-nous à quelques préventions ; au fond, nous avions raison. Des faits, des faits publics le disaient hautement. C’était bien vraiment là l’Académie de cette époque : c’était son penchant habituel, son esprit dominant ; mais aujourd’hui nous tomberions dans la routine à notre tour, si nous ne savions pas voir combien elle est changée. Non que, même aujourd’hui, il ne lui reste encore, comme à toute assemblée, certain fonds de son ancien esprit, et que livrée à elle-même elle ne pût quelquefois, surtout dans le choix des personnes, retourner à ses vieux penchans ; mais en matière de goût vous ne trouvez plus trace de son intolérance : elle accepte et professe ces mêmes vérités qu’elle repoussait comme hérésies ; elle entend, elle parle la langue de son temps ; bien loin d’être exclusive, on pourrait presque dire qu’elle participe un peu de la mollesse générale des convictions d’aujourd’hui. Ainsi l’anachronisme est de toute évidence. On s’est mépris de deux façons, matériellement quant à la date, moralement quant aux personnes. On a cru qu’avant le décret l’Académie serait intraitable ; on s’est imaginé qu’après elle serait souple, obéissante. Avant, rien n’était plus facile que de s’entendre avec elle : on avait dans ses rangs des auxiliaires certains, il ne fallait que vouloir ; après, elle a prouvé qu’on la connaissait mal, et s’est acquis l’estime universelle en défendant avec mesure, et non sans énergie, sa dignité blessée.

N’insistons pas : si quelque chose en ce monde est prouvé, c’est qu’il y avait dix raisons pour une de consulter l’Académie, de ne rien promulguer, sans avoir pris, tout au moins, son avis, sauf même à ne pas le suivre : il n’est personne qui ne le sente, personne qui ne le dise, et même les auteurs du décret, s’ils n’en conviennent pas tout haut, en sont à coup sûr aujourd’hui aussi convaincus que nous. Ce point est hors de doute et sans contradiction possible.

Mais enfin, tout regrettable que soit le procédé, ce n’est après tout qu’une question de forme : si la mesure est bonne au fond, si le décret est conçu dans de saines idées, si les changemens qu’il consacre ont eu déjà d’heureux effets, s’ils en promettent plus encore, il faudra bien passer condamnation et laisser dire l’Académie. Mieux eût valu ne pas l’exclure : maintenant qu’on s’est passé d’elle, pourquoi récriminer ? Acceptons le bien qu’on a fait, oublions ce qu’on aurait dû faire.

Nous ne demandons pas mieux : aussi bien l’intérêt du corps