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bases de notre enseignement. On s’en prend malgré soi au mode de culture quand la pépinière s’appauvrit.

Assurément, dans les arts du dessin, la bonne direction des études, les saines méthodes d’enseignement, sont les premières conditions du succès. On peut se demander pourtant si l’état général des esprits, l’activité plus ou moins grande des passions sociales, certains courans d’idées, certains développemens de la richesse dans telles ou telles mains, peut-être aussi le caractère plus ou moins généreux, plus ou moins élevé des institutions politiques, n’exercent pas souvent sur les créations de l’art une influence, sinon aussi directe, du moins presque aussi décisive que les procédés de culture et les systèmes d’enseignement. Quoi qu’il en soit, nous admettons, lorsque la source semble baisser et menace de tarir, qu’on la sonde et qu’on tente d’en changer le régime ; mais si inquiet qu’on fut, si impatient de corriger le mal, était-ce en cachette, à huis clos, qu’il fallait chercher le remède ? A quoi bon ce mystère ? où était le danger d’attendre un peu, de consulter avant d’agir ? Remanier de fond en comble ce grand système d’enseignement qui, sous des, noms divers, mais au fond presque toujours le même, a traversé tant de régimes, assisté sans secousses à tant de catastrophes, et qui comptait déjà plus de deux siècles accomplis, n’était-ce pas une assez grosse affaire pour n’y mettre la main qu’après mûre réflexion ? Sans doute il est des cas où le succès dépend d’un secret bien gardé, où sous peine d’échec, d’échec plein de périls, il faut saisir l’occasion, ne se fier qu’à soi, se contenter de sa propre sagesse ; l’histoire est là pour nous le dire. S’ensuit-il qu’en toute circonstance et pour les moindres entreprises le secret et le silence soient les conditions du salut ? Il y a presque de l’irrévérence à copier ainsi certains modèles sans à-propos et sans nécessité. C’est là, pour ne parler que de la forme, le vice radical de ce décret inopiné que le Moniteur du 15 novembre 1863 a si brusquement mis au jour. Fût-il irréprochable au fond, cette apparence de surprise, ce simulacre de coup d’état lui auraient enlevé tout crédit. Supposez au contraire qu’on l’eût annoncé d’avance, mis à l’étude et discuté, non pas même en public, mais entre soi, dans quelque commission choisie et présidée comme on l’aurait voulu, il n’en fallait pas davantage pour que tout prît un autre cours. Ce qu’il y a de bon dans le décret y fût resté, cela va sans dire, et les imperfections, les oublis, les inadvertances, les mesures impraticables auraient en partie disparu. La moindre discussion, même la plus amie et la plus complaisante, suffisait à rendre ce service.

Nous ne parlons là que des choses ; à plus forte raison, vis-à-vis des personnes, le calcul était bon d’agir ouvertement. Que de justes