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les apprentis au-dessous de quatorze ans. La loi de 1841 limite le travail des adolescens à douze heures par jour, et la loi du 9 septembre 1848 fixe la même limite pour le travail de tous les ouvriers. Enfin nous apprenons à chaque instant que les ouvriers ont demandé une réduction des heures de travail et que les patrons y ont consenti, en sorte que, pour dernière anomalie, tandis qu’un grand nombre d’ateliers ne travaillent plus que onze heures ou même dix heures, nous laissons subsister la loi qui, pour favoriser les adolescens, limite la durée de leur travail à douze heures.

Il faut sortir au plus tôt de toutes ces complications, et de l’état d’infériorité où nous retient la loi de 1841, bonne à sa date, aujourd’hui arriérée, insuffisante. Où est la difficulté d’adopter, au moins pour les enfans de huit à douze ans, la limite de six heures par jour, ou plutôt la limite de demi-journée que nous proposons ? Craint-on de manquer de bras en France, lorsque l’Angleterre n’en manque pas, dans les mêmes conditions de travail, avec moins de population et plus de fabriques ? Aujourd’hui que la plupart des usines sont concentrées dans les villes, cette crainte ne saurait être sérieusement exprimée. Elle ne serait justifiée en aucune circonstance avec notre immense population rurale. Et s’il y a, comme il est impossible d’en douter, assez d’enfans pour fournir deux relais par jour à toutes les fabrications, n’est-il pas évident qu’on aura partout le même nombre de bras pendant le même temps et au même prix ? Le fabricant a-t-il quelque intérêt mystérieux à faire travailler toute la journée le même enfant sur le même métier ? Nous prétendons, hautement que c’est tout le contraire, et que la limitation à six heures est dans l’intérêt du fabricant. Non-seulement les relais de six heures valent mieux pour le fabricant que ceux de huit à cause des mouvemens supprimés, de la complication évitée ; mais ils valent mieux pour lui que le travail de douze heures, mieux que l’abrogation pure et simple de la loi. Et quand même il paierait pour six heures le salaire de huit, fardeau bien léger quand on songe au prix de la main-d’œuvre pour, les ouvriers de huit ans, le sacrifice serait amplement compensé par la supériorité du travail. Ce n’est pas la présence de l’ouvrier que paie l’entrepreneur, c’est son travail, et pour que le travail soit bon, il faut qu’il soit mesuré selon les forces du travailleur. Lorsqu’un homme dépasse cette limite, il se fatigue en pure perte ; il compromet sa santé, et l’entrepreneur n’y gagne rien. Cela est encore plus vrai pour l’enfant, dont l’esprit et la force musculaire se relâchent plus vite. Ce mot même de relais, employé pour désigner les bandes d’enfans qui travaillent successivement sur le même métier, suggère une comparaison dont l’application est frappante. Un cheval, à la