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branche d’industrie, le progrès n’a été aussi remarquable ni aussi prompt.

L’agriculture est donc en possession des moyens à l’aide desquels elle peut non-seulement combler le déficit des bras, mais encore augmenter la force productive du sol. L’exposition de 1862 lui a ouvert les perspectives les plus rassurantes, et le rapport de M. Hervé-Mangon ne laisse aucun doute sur la solution du problème. Pour produire mieux et pour produire plus, il faut que l’agriculture emprunte les procédés de l’industrie, à savoir l’emploi plus généreux du capital ainsi que le concours de la puissance mécanique. Et c’est ici qu’apparaissent de la manière la plus manifeste les immenses services que l’industrie a rendus à l’agriculture. Avec les bras qu’on l’accuse si amèrement d’avoir enlevés à la terre, l’industrie a répandu partout la richesse ; elle a décuplé peut-être le capital du pays, et c’est ce capital ainsi augmenté dans une proportion énorme qui maintenant retourne à la terre pour la féconder. Ces machines qui vont se substituer avantageusement au travail de l’homme, c’est l’industrie qui les a inventées d’abord pour son usage, et qui ensuite les a transformées pour les livrer, dociles et infatigables, au service du sol. Cette vérité ne saurait être trop fréquemment répétée, car elle réfute les périlleuses déclamations d’une école qui cherche à établir entre la fortune mobilière et la fortune immobilière une sorte d’antagonisme. Il n’y a point de plus funeste erreur que celle de ces financiers qui, à bout de ressources, tentent d’exploiter cet antagonisme pour surtaxer les valeurs créées par l’industrie. Si la terre, considérée comme capital, présente les avantages de là fixité et de la durée, elle n’a point par elle-même l’élasticité de valeur qui caractérise le capital industriel, et elle ne gagne, elle ne profite sensiblement que par les subventions de la fortune mobilière. C’est agir tout à fait à l’inverse de l’intérêt foncier que de céder à ses préjugés et à son aveugle jalousie en frappant d’impôts la portion la plus féconde et la plus vulnérable de la richesse publique. Comment ne pas remarquer que ce sont les nations les plus avancées en industrie qui ont accompli les plus rapides progrès dans l’agriculture ? Et en France même n’est-il point évident que la supériorité agricole des départemens du nord, de la Normandie et de l’Alsace est due en partie au voisinage des grands réservoirs de capitaux, d’intelligence et d’activité qui se sont formés dans ces régions manufacturières ? La constatation de cette harmonie économique doit éclairer les sentimens, les opinions et les lois. Que l’agriculture cesse de maudire les prétendus empiétemens de l’industrie, que le législateur ne s’effraie point de la perturbation momentanée que l’on signale dans les prix de la main-d’œuvre agricole