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conquis les noirs, quand les Aryens du sud-est sont descendus de la Bactriane vers l’Indus par les vallées du Cachemire. Les noirs avaient précédé les jaunes, dont les annales se perdent dans le passé. Faudra-t-il croire, ce qui est peu vraisemblable, pour né rien dire de plus, que les blancs reçurent des peuples jaunes les premières notions religieuses et les élémens du culte, lorsque nous voyons les Chinois à peu près dépourvus de religion avant l’arrivée du bouddhisme indien, et lorsque les poètes du Vêda nous disent des populations qu’ils heurtaient de front sur l’Indus qu’elles étaient « sans dieu ? » Si l’on admettait cette hypothèse, que tout contredit et que rien ne confirme, faudrait-il aussi faire des jaunes les successeurs des noirs en religion ? Ce sont là des suppositions gratuites, où la science perd ses droits. Il se peut que les vieilles populations humaines aient eu chez elles quelque chose qui ressemblât à des religions ; mais si les philosophes, quittant pour un moment la méthode cartésienne, trop exclusive, faisaient à posteriori la psychologie des races noires, on verrait jusqu’où va chez elles la notion de Dieu. On saurait peut-être alors si, dans la suite des religions, les races blanches ne marquent qu’une période précédée par celles des jaunes et des noirs, ou bien si réellement nos races sont les seules qui soient naturellement religieuses et si les religions ont pris naissance dans leur sein.

Tous les faits scientifiquement recueillis jusqu’à ce jour tendent vers cette dernière conclusion. Il est aujourd’hui très vraisemblable que les races humaines autres que la blanche seront reconnues pour incapables de fonder un système religieux de quelque valeur, et que chez les plus infimes d’entre elles on ne trouvera qu’une notion de Dieu à peine ébauchée et des cultes sans théorie. Si ces propositions viennent à être solidement établies, on en tirera cette conséquence, que les religions ont pris naissance chez les peuples blancs, et que d’eux seuls procède un symbolisme éclairé, une métaphysique sérieuse. Or il restera toujours à savoir comment sont nées chez elles ces théories et les cultes qui en dérivent. Nous voyons déjà que ni l’histoire, ni nos grands monumens sacrés ne résolvent ce problème. La grande loi de la nature, qui veut que toutes choses commencent par rien, s’applique ici dans toute sa rigueur. Et par là il ne faut pas entendre que, rien n’étant, la chose est apparue tout à coup, comme par un miracle, dans sa plénitude. Ce rien qui précède la naissance d’une chose est suivi sans intervalle d’un commencement qui n’est presque rien ; c’est par un développement continu et en vertu d’une énergie interne qu’elle grandit peu à peu et devient perceptible aux sens ou à la pensée. Il n’est pas un être, pas un phénomène qui échappe à cette loi : tout ce qui s’accomplit dans l’ordre physique et dans l’ordre moral, la