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fusion des minerais atteint presque un chiffre pareil. Ajoutons que la Californie depuis quinze ans et l’Australie depuis douze versent annuellement, et à elles deux, plus d’un demi-milliard d’or sur le monde, et qu’enfin la quantité d’argent tirée de l’Amérique espagnole, bien qu’ayant décru de puis le commencement de ce siècle à cause de la mauvaise exploitation des mines, est encore de plus de 150 millions chaque année[1]. Ce simple aperçu montre le rôle important que jouent les métaux dans notre société moderne et celui qu’ils ont joué en tout temps, non-seulement comme signes représentatifs des valeurs, mais encore comme marchandises et éléments d’échanges. Si l’Angleterre est aujourd’hui si puissante, c’est qu’elle jouit sur presque tout le globe du monopole de la production et de la vente de la plupart des métaux, le fer, le cuivre, le plomb et l’étain. Ceux qu’elle ne produit pas, elle les achète : c’est sur Londres et sur Liverpool qu’on dirige les barres d’argent et les lingots d’or de tous les points de l’Amérique, c’est vers Swansea que les minerais de cuivre du Chili, de l’Australie, de Cuba, de l’Afrique, du monde entier, sont expédiés pour être fondus et raffinés. On sait au reste que la Grande-Bretagne produit à elle seule plus de 60 pour 100 de tout le combustible minéral extrait sur le globe. Or sans la houille il n’y a pas de calorique, partant pas de métallurgie possible.

Quels nouveaux procédés la métallurgie mettra-t-elle maintenant en œuvre ? Les temps de l’âge de fer semblent revenus. Aujourd’hui le fer, — et sous ce nom nous comprenons aussi la fonte et l’acier, — le fer est partout. C’est lui qui concourt à la défense des nations, car il compose l’armure du soldat et les terribles engins de la guerre ; mais c’est lui aussi qui ouvre la terre, soit par le pic du mineur, soit par la bêche et la charrue, pour en faire sortir toutes les richesses qu’elle nous réserve. C’est le fer qui forme ces voies nouvelles sur lesquelles roulent nos locomotives ; lui seul est le ressort et l’âme de nos ateliers ; il a même remplacé le bois pour la charpente des édifices. Aussi est-ce vers la fabrication du fer, de la fonte et de l’acier que tendent aujourd’hui les travaux de tous les praticiens. Déjà des résultats surprenans ont été obtenus en Allemagne par Krupp, dont on a pu admirer les gigantesques spécimens à l’exposition de Londres de 1862, et en Angleterre par Bessemer, qui trônait également dans le palais de Kensington. Les progrès de la sidérurgie, l’emploi de plus en plus répandu du fer et de l’acier, sont un des faits les plus notables que nous permettent de constater les diverses publications relatives aux sciences métallurgiques en 1864. C’est là un des traits caractéristiques de notre époque, et qui méritera d’occuper longtemps encore les praticiens et les savans.


L. SIMONIN.


V. DE MARS.

  1. Traité de Métallurgie, par le dr J. Percy, professeur à l’école des mines de Londres, traduit par MM. Petitgand et Ronna. Les chiffres que nous avons cités sont officiels et tirés d’une remarquable introduction des traducteurs.