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allemandes qu’a été pour la première fois appliqué aux minerais d’argent ce traitement particulier qui mérite d’aller de pair avec le procédé d’amalgamation découvert par les Espagnols. Peut-être faut-il faire aussi hommage aux Allemands de la méthode d’inquartation, par laquelle on sépare l’or de l’argent. La préparation mécanique et l’enrichissement des minerais par le lavage sont dus aussi à l’Allemagne, et ce pays est resté encore aujourd’hui classique dans l’art d’exploiter les mines et de fondre les minerais. Quant au travail des alchimistes, il devait forcément produire fort peu de résultats pour l’avancement de la métallurgie. Au milieu du XVIIIe siècle cependant, la chimie naissait de l’alchimie, comme l’astronomie et la physique étaient sorties de la magie et de l’astrologie. Une série de nouveaux métaux jusque-là soupçonnés plutôt qu’isolés par les chercheurs, l’antimoine, le nickel, le cobalt, le bismuth, l’arsenic, le zinc, était découverte et classée. En même temps les Espagnols trouvaient le platine (platina, petit argent) dans les placers de l’Amérique.

À notre siècle appartenait l’honneur de coordonner les pratiques de la métallurgie avec les enseignemens des sciences théoriques qui lui viennent en aide, la physique et la chimie. Depuis lors, la production des métaux a suivi une voie ascendante ; l’aluminium, le magnésium ont même été séparés de leurs combinaisons ; des propriétés merveilleuses que jusque-là on avait été loin de leur supposer, comme l’inaltérabilité dans l’aluminium, le pouvoir éclairant dans le magnésium, ont été découvertes, et un jour la science fera sans doute de ces deux métaux les plus étonnantes applications. Mais que dire de ces autres corps métalliques qu’on n’aurait pas même imaginé de rechercher, et dont l’analyse du soleil est venue miraculeusement nous révéler l’existence il y a trois ans : le thallium, le rubidium, le cœsium ? On ne s’est point contenté de les découvrir parmi les substances dont est composé l’astre lumineux qui nous réchauffe ; on s’est mis à les rechercher dans les minéraux qui forment la croûte du globe. On les y a retrouvés, on les a isolés à l’état métallique, et qui sait l’emploi qui est réservé à ces nouveaux corps ? Le problème est de tous les instans, il intéresse chacun de nous. « Il s’agit d’appliquer à l’industrie les richesses qui dorment entre les feuillets de l’écorce terrestre et qui tous les jours, grâce aux progrès de la physique et de la chimie, nous révèlent des particularités nouvelles et des élémens de bien-être, des sources de puissance infinie pour l’avenir des sociétés humaines[1]. »

Le XIXe siècle s’est engagé résolument dans cette voie. Les modestes chercheurs n’alimentent plus en vain leurs fourneaux. Déjà le manteau du laboratoire a dévoilé plus d’un secret, et la métallurgie a reçu plus d’une bonne inspiration de sa sœur cadette, la chimie. Les pratiques de l’art se sont aussi perfectionnées, les traditions se sont transmises sans mystère, non plus seulement dans la même usine de maître à maître, et, comme autrefois,

  1. George Sand, Voyage dans le cristal.