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l’origine du monde avant même l’âge d’or et l’âge d’argent, avait laissé les populations primitives du globe dans un état demi-sauvage. Ce qui reste des habitations lacustres découvertes depuis peu dans les lacs de la Suisse et jusque sur les bords du lac du Bourget, en Savoie, nous donne une idée fort médiocre de l’industrie de nos premiers pères. Ce que M. Boucher de Perthes a découvert en armes, outils, objets de tout genre de cette époque anté-historique, place à peu près nos aïeux au niveau de ces sauvages de l’Océanie, nos contemporains, demeurés fidèles aux traditions de l’âge de pierre. Si nous avons fait depuis les premiers temps un tel chemin dans les voies de la civilisation, c’est surtout, comme l’indique un livre récent[1], grâce à l’invention des métaux utiles. Les anciens avaient compris cette vérité, car ils attribuaient, on le sait, une origine divine aux premiers métallurgistes.

L’or, que les rivières roulent en paillettes, l’argent, qui existe aussi à l’état natif en cristaux, en filamens déliés, furent sans nul doute les premiers métaux qui se révélèrent aux hommes. L’argent s’isole au reste de certains minerais très répandus, comme la galène ou sulfure de plomb argentifère, par la scorification ou la coupellation, deux opérations très simples et que les premiers métallurgistes durent découvrir sans aucun effort dès qu’ils connurent le feu. Après les métaux précieux vinrent les métaux utiles, sans lesquels le monde n’eût pas fait de sérieux progrès. Le cuivre fut d’abord découvert, puis le fer, comme nous l’apprennent Homère, Hésiode et Lucrèce. Le cuivre l’emporta même toujours sur le fer pendant toute l’antiquité.

L’or, l’argent, le cuivre, l’étain, le fer, composent avec le mercure et le plomb, qui dut être découvert en même temps que l’argent, les sept métaux connus des anciens. Plus tard, les Arabes, voyant le plomb se réduire en argent à la fusion sur la coupelle et le vermillon natif produire, par la sublimation, le mercure liquide ou vif-argent, eurent l’idée de la transmutation des métaux, et l’alchimie fut créée. Partout alors on travaille au grand-œuvre, et pendant plus de dix siècles on se livre avec ardeur à la recherche de l’absolu. La science théorique est détournée de sa voie naturelle. Heureusement la pratique de la métallurgie, conservée avec une sorte de mystérieuse religion dans les ateliers, transmise de père en fils comme un secret, ne fit pas fausse route. Le point d’action fut seulement déplacé, et au fond des forêts de l’Allemagne le flambeau de l’art continua de brûler. C’est dans ces laborieuses officines que la méthode de coupellation fut de nouveau pratiquée sur une grande échelle, comme chez les anciens. On sait que cette opération consiste à séparer le plomb de l’argent par voie de fusion et d’oxydation. C’est là aussi que fut inventée la liquation, par laquelle on isole le cuivre du plomb, en se fondant sur la différence des points de fusion de ces deux métaux. Enfin c’est dans les usines

  1. Du Mineur, son rôle et son influence sur les progrès de la civilisation, par M. J. Fournet, professeur à la faculté des sciences de Lyon.