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aussi bien que dans le système de gouvernement intérieur. Cette fraction a fort peu d’action sur la masse du pays, mais elle a des ramifications dans le haut et le bas clergé qui lui prête sa force. D’autres, et en assez grand nombre peut-être, modérés de traditions, de goûts et d’habitudes, ne veulent pas de cette réaction outrée des néo-catholiques ; mais ils craignent fort aussi ceux qui ont l’air de prendre des allures de libéralisme ; ils ont peur des nouveautés, de la reconnaissance de l’Italie, de l’extension des libertés intérieures, ils sont un peu en froideur vis-à-vis du ministère, qu’ils accusent tout bas de compromettre l’intégrité des opinions conservatrices. Leur idéal, ce serait de s’asseoir tranquillement dans la victoire que vient de remporter leur parti, de recommencer le passé autant que possible, de gouverner, comme ont gouverné autrefois les modérés. Nous ne parlons pas de l’union libérale, qui a été un peu désarçonnée dans ces derniers temps, et qui, après avoir paru un moment vouloir s’abstenir, reste dans la lutte pour se défendre, pour conquérir quelques places au congrès.

C’est dans ces conditions où tout se mêle, où les questions personnelles jouent assurément un grand rôle, où toutes les influences se livrent des combats invisibles, c’est dans ces conditions que le ministère se trouve placé, poussé en avant par les uns, retenu par les autres, soupçonné de témérité s’il veut marcher dans le seul sens où il puisse trouver la force et la vie, accusé d’inertie s’il ne fait rien, et ayant en définitive à régler tout un héritage confus de difficultés politiques et financières, à redresser toute une situation. Les embarras du premier moment, on les conçoit ; il faut pourtant que le ministère se décide, s’il veut échapper à cette atmosphère d’intrigue où périssent si souvent les administrations espagnoles. Rallier les esprits à une direction intelligente et nette, raffermir l’autorité.de la loi, rassurer les instincts progressifs, donner l’exemple d’un gouvernement conservateur sachant être libéral et en imposer au besoin à tous les retardataires que traînent après eux les partis modérés, c’est là l’œuvre du nouveau cabinet, et les premières, les plus graves difficultés qu’il a rencontrées ne sont peut-être pas encore dans les hommes, elles sont surtout dans les choses elles-mêmes, notamment dans les finances. Ce n’est pas tout d’être au pouvoir, il faut vivre matériellement, il faut suffire d’abord aux besoins de tous les jours, et le ministre le moins embarrassé n’est point à coup sûr le ministre des finances. Le fait est que le prédécesseur de M. Barzanallana, M. Salaverria, qui a conduit les finances espagnoles pendant cinq ans, sous la présidence du général O’Donnell, et pendant la dernière année sous la présidence de M. Mon, a si bien manœuvré qu’il a laissé à ceux qui lui succèdent des charges immenses et des ressources problématiques ou compromises pour y faire face. C’est toute une situation à revoir, à liquider et à replacer dans des conditions normales. Si M. Barzanallana se tourne vers l’extérieur, il trouve les principales bourses de l’Europe fermées aux valeurs espagnoles par suite des procédés de M. Salaverria à l’égard des détenteurs