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XIV


Quand le pâle martyr en mourant triomphait,
Quand la foi s’éprouvait par le fer et la flamme,
Qu’au vieux monde goulu livrant la chair infâme,,
L’idée en souriant tendait la gorge au fait,
Et qu’au soleil du cirque immense et stupéfait
Tombaient extasiés les insurgés de l’âme,

XV


Certes ce n’était pas alors comme chez nous
Un sang rare et stagnant qui rougissait les veines ;
L’histoire était robuste, et qui lui prend le pouls
Le sent bien qu’à travers les amours et les haines
Qui, dans ces durs cerveaux, poussaient comme des chênes,
Le cœur des nations battait à plus grands coups.

XVI


Certe, et sur quelques points ils valaient bien les nôtres,
Ces jours de foi, d’espoir, de lutte et de combats.
Autres étaient les temps, ces hommes étaient autres.
Avec l’humanité Dieu ne marchandait pas,
Et l’on ne verrait plus ici comme là-bas
Des siècles de héros et des peuples d’apôtres.

XVII


Mais quoi ! ce même Dieu qui d’un doigt souverain
Implantait la foi vive en leur âme profonde
Les pétrit tout exprès dans le marbre et l’airain,
Ces maçons du destin, pour nous bâtir un monde,
Et quand ce monde fut, — éternel et serein, —
Il rentra dans la nuit comme un astre dans l’onde.

XVIII


Allez ! n’essayez pas d’imiter nos aïeux
Dans l’erreur ou le sang de quelque parodie ;
Ils ont fait l’épopée et clos la tragédie.
Pour jouer notre calme et simple comédie,
Nous n’avons pas besoin d’acteurs géans comme eux…
Quand je vous le disais, que tout est pour le mieux !