Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marcher l’animal comme l’hélice un vaisseau. Le corps est recouvert de glandes d’abord très petites qui grossissent peu à peu, se détachent ensuite et deviennent de jeunes êtres semblables à leur mère. La monade est vorace, sans cesse remuée, et ne se tient au repos que si elle est repue.

En descendant encore dans l’échelle animale, on arrive à la famille des vibrioniens. Les individus qui la composent sont réduits à des filamens très minces, séparés en articles nombreux et soudés bout à bout. Ce sont des chapelets qui de temps en temps s’égrènent ; mais les tronçons vivent, se multiplient en s’allongeant pour se diviser de nouveau comme celui d’où ils dérivent. On conçoit toute la fécondité et la commodité d’un pareil mode de reproduction, le seul connu, mais qui pourrait bien n’être pas la seule ressource des vibrioniens. Sans tête ni queue, n’ayant aucune dissymétrie aux deux bouts, privés de tout organe apparent, ce sont les plus simples des êtres, et pourtant la nature leur a confié une des fonctions les plus nécessaires à l’équilibre du monde. On peut aussi bien les considérer comme des végétaux que comme des animaux. Cependant ils sont doués d’un mouvement propre, et d’après la manière dont ils l’exécutent, on les classe en trois genres qui peuplent les infusions et qu’il sera toujours facile de distinguer. Les bactéries paraissent raides et se balancent tout d’une pièce ; les vibrions sont flexibles et doués du mouvement vermiforme ; enfin les spirilles ressemblent à des tire-bouchons et cheminent en spirales comme une vis dans son écrou.

Le règne végétal ne nous fournira guère que des champignons microscopiques appartenant aux familles des mucédinées, des torulacées et des mucors, dont les caractères essentiels sont en tout comparables à ceux du champignon de couche. On sait que celui-ci est une plante souterraine, qui vit à l’obscurité dans les assises du fumier, où elle forme un feutrage serré de filamens blancs que les agriculteurs nomment blanc de champignon, et les botanistes mycelium. Ce blanc est doué d’une vitalité surprenante : on peut le sécher, le chauffer jusqu’à 100 degrés, le conserver pendant des années, et lui rendre aussitôt la vie en le remettant dans les circonstances de température, d’humidité et d’amendement où il avait pris naissance. Quand il est mûr, il développe rapidement, quelquefois en une nuit, une excroissance extérieure comestible qui constitue tout le champignon pour le vulgaire, et qui n’est pour le botaniste que l’organe de la fructification. Cette excroissance porte en effet les germes, c’est-à-dire les spores, graines légères et déliées qui se détachent, que l’air emporte, et qui vont engendrer ailleurs de nouvelles couches souterraines de mycélium et de nouveaux développemens aériens. Bien connue pour le champignon de couche, cette évolution se