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plus ou moins le cachet de la pensée du gouvernement ; comme il peut tout empêcher et tout prévenir, on le rend à tort ou à raison responsable de tout ce qui se dit, et si un journal accrédité pousse à la guerre, se fait le champion de telle ou telle idée de nationalité, l’Europe immédiatement prend l’alarme, comme si elle y voyait la pensée secrète du gouvernement français. Nous ne la rassurerons complètement à cet égard, elle ne confondra plus l’opinion du gouvernement avec les idées exprimées par tel ou tel journal, que lorsque tout le monde aura le droit d’en publier un et que la presse sera soumise à un régime légal ; qu’on accorde cela, et je réponds que la situation changera du tout au tout, et que tous les fantômes de guerre, si ce sont des fantômes, qui agitent en ce moment l’Europe ne tarderont pas à se dissiper ; je réponds aussi que nous ne tarderons pas davantage à en ressentir les effets au point de vue de la gestion de nos finances.

Si j’avais besoin d’un exemple encore pour montrer à quel point la liberté est efficace pour assurer une bonne administration des finances, je le trouverais en Autriche. L’Autriche, après la guerre d’Italie et même déjà auparavant, avait une situation financière déplorable ; elle ne trouvait pas à emprunter au dehors aux conditions les plus onéreuses ; son 5 pour 100 métallique était coté à 39 et 40 à Francfort au commencement de 1860, et elle perdait de 35 à 40 pour 100 sur le change. Je ne veux pas dire qu’elle soit aujourd’hui dans une situation bien brillante, elle figure encore parmi les états très obérés, la guerre d’Italie et d’autres antécédens lui ont laissé un arriéré difficile à liquider ; mais enfin, depuis qu’elle est entrée dans la voie constitutionnelle et libérale, son crédit se relève, et sa situation s’est améliorée sensiblement. Le 5 pour 100 métallique se cote à Francfort de 59 à 60, et le change ne perd plus que 15 ou 16 pour 100. Ce sont là des résultats significatifs, j’en pourrais indiquer d’autres ; mais à l’époque où nous sommes, avec le degré de civilisation qui existe en Europe, avec les intérêts de toute nature qu’il y a partout à protéger, la liberté se présente avec de tels avantages qu’elle triomphera un jour ou l’autre, et qu’elle est appelée même à résoudre ces fameuses questions de nationalités qui nous agitent si fort aujourd’hui. En effet, l’usage du canon devient inutile lorsqu’on a la liberté pour plaider sa cause, non-seulement devant un parlement constitué régulièrement, mais devant ce tribunal suprême qu’on appelle l’opinion publique, et qui finit toujours par donner raison au droit, quoi qu’on fasse. Est-ce que dans la libre Angleterre l’Irlande peut se dire opprimée, lorsqu’elle a la presse à sa disposition, et que, depuis l’émancipation des catholiques, elle a trente-deux membres à la chambre des lords et cent à la chambre des communes pour y défendre ses droits et